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instruction primaire ; et même ce minimum de connaissances n’est pas l’apanage de tous ; car, sans compter son compagnon de voyage, l’ex-lama converti Sandadchiemba, il nous présente d’autres religieux absolument ignorants, tels que les frères bouviers de la lamasarie de Tchogortan[1], ou le vieux lama Akayé du monastère de Kounboum, — cependant un centre scientifique renommé dans tout le Tibet et en Chine, — qui « ne s’étant occupé pendant toute sa vie que de choses temporelles n’avait pu faire ses études, était complètement illettré et ne savait ni lire ni écrire[2] », et, s’il ne le dit pas explicitement, il semble qu’à son sens ce ne soient pas là des exceptions isolées, malgré l’obligation de l’étude qui est de règle absolue dans tous les monastères bouddhiques.

S’il en est ainsi des lamas, qu’on est en droit de considérer comme constituant la partie la plus éclairée de la nation, il est facile de s’imaginer à combien peu se réduit la dose d’instruction du reste de la population. Mais alors, comment concilier les affirmations si formelles d’un homme de la valeur et du caractère d’Hodgson avec ces renseignements contradictoires ?

À notre avis, l’illustre savant anglais, n’étant jamais allé au Tibet et ne pouvant se faire une opinion que d’après ses observations sur les Tibétains qu’il a vus venir au Népaul et leurs dires, plus ou moins dignes de foi, — comme ceux du reste de la plupart des Orientaux, peu précis dans leurs renseignements et facilement enclins à une certaine jactance nationale, — a dû se hâter un peu trop de généraliser sur des données particulières ; il a pu être induit en erreur par ce fait que les Tibétains dont il parle, venus au Népaul en pèlerinage, pour y faire de la propagande bouddhique et pour y commercer, devaient

  1. Huc, Voyage dans la Tartarie et le Thibet, t. II, p. 148.
  2. Id. p. 92.