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sidère comme absolument nulle. L’abbé Krick raconte qu’il a eu toutes les peines du monde à trouver un lama capable de lui enseigner le tibétain. L’abbé Desgodins nous dit que « la plupart des bonzes qui ne sont pas lamas savent lire, au moins un volume qu’ils ont appris par cœur dans leur enfance, mais dont ils ne comprennent pas le contenu. Cependant il y a des bonzes domestiques qui ne savent pas lire du tout. Il en est quelques-uns qui peuvent écrire, tant bien que mal, des lettres de mauvais style et pleines de fautes ; mais si la plupart ne savent que lire, cela suffit pour battre le tambour et pour gagner sa vie. Ce que je dis là paraîtra peut-être exagéré, et cependant rien n’est plus vrai, de l’aveu même des bonzes, et l’expérience que j’en ai faite souvent me permet de l’affirmer[1]. » Le père Huc, assez indulgent en général, abonde dans le même sens. « Un lama qui sait lire le tibétain et le mongol, dit-il, est réputé savant ; mais il est regardé comme un être élevé au-dessus de l’espèce humaine s’il a quelque connaissance des littératures chinoise et mandchoue[2] », et il ne manque pas de citer, à titre d’exception sans doute, le moine Sandara qui « parlait à merveille le pur thibétain, l’écrivait avec facilité, avait une grande intelligence des livres bouddhiques et, de plus, était très familiarisé avec plusieurs autres idiomes, tels que le mongol, le si-fan, le chinois et le dchiaour[3] », ainsi qu’un autre prêtre, qu’il nomme le Kitas lama, « fameux dans la science lamaïque », et qui « parlait à merveille le chinois, le mongol et le thibétain[4] ». En somme, d’après ce missionnaire, le niveau moyen du savoir des lamas, — à en juger par le peu qu’il faut pour être réputé savant ou supérieur à l’espèce humaine, — ne dépasserait pas, si même il l’atteint, notre

  1. C.-H. Desgodins, Mission du Thibet, p. 247.
  2. Huc, Voyage dans la Tartarie et le Thibet, t. I, p. 287.
  3. Huc, Voyage dans la Tartarie et le Thihet, t. II, p. 63.
  4. Id. p. 93.