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se mettent au cou en guise de collier ou s’enroulent autour du bras.

De ce qui précède, il est facile de conclure que les Tibétaines, en fait de coquetterie, ne le cèdent en rien, à leur manière, à leurs sœurs des pays plus civilisés. Pourtant, si elles sont coquettes et s’ingénient à paraître belles, elles ont le courage de faire à leurs sentiments religieux ou à la coutume traditionnelle un sacrifice auquel se résigneraient difficilement, nous en sommes certains, les plus laides des femmes d’Europe, et qui rappelle les iniques sentences du moyen âge condamnant certaines beautés trop irrésistibles à ne se montrer en public que le visage couvert d’un masque. Filles ou femmes, jeunes et vieilles, quand elles sortent de chez elles, les Tibétaines doivent se barbouiller la figure d’un enduit noir ou rouge destiné à les rendre absolument horribles à voir ; prescription cruelle, à laquelle, paraît-il, elles se plient consciencieusement[1]. Cependant, l’auteur chinois de la Description du Tubet semble restreindre cette obligation désagréable au cas particulier d’une visite à quelque membre du clergé : « Toute femme ou fille, qui doit se présenter devant un lama, se barbouille la figure avec du sucre rouge ou avec les feuilles de thé qui restent dans la théière ; si elle ne le fait pas, on dit que par sa beauté elle veut séduire un ecclésiastique ; et c’est une chose qu’on ne lui pardonne jamais[2]. » Mais peut-être aussi a-t-on étendu la prévention « d’attentat à la chasteté des lamas » au simple fait de se promener en public à visage découvert, en raison du grand nombre de ces moines qui déambulent continuellement par les rues et les chemins, et sans doute aussi à cause de leur faiblesse de résistance au péché de luxure.

  1. Huc, Voyage dans la Tartarie et le Thibet, t. II, p. 258.
  2. Klaproth, Description du Tubet ; Nouveau journal asiatique, t. IV, p. 247.