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eux, coupèrent la viande par morceaux et la mangèrent en la couvrant d’abord d’un hachis fort salé ; puis on continua à boire du vin comme auparavant. Après ce service on alla encore se promener. De retour dans l’appartement, on recommença à boire du vin. Bientôt parut un baquet de touba, gruau mêlé de vermicelle et de viande de bœuf hachée. On en présenta à chacun une jatte. Les convives, ayant récité une prière, prirent leurs petits bâtons et commencèrent à manger. Enfin, on apporta des petits pâtés qu’on enveloppa dans des serviettes pour les envoyer chez les convives. Par là finit le repas qui dura plus d’une demi journée. Après s’être promené dans la cour, tout le monde rentra dans l’appartement et l’on but de nouveau. À cet instant le maître de la maison et les convives chantèrent et dansèrent. La danse des Tibétains consiste à sauter sans bouger de place[1]. »

Grand amateur de tabac, toutes les fois qu’il le peut le Tibétain complète son repas, alors même qu’il ne se compose que d’une poignée de tsampa délayée dans un bol de thé, en fumant quelques pipes ou en absorbant deux ou trois prises. Il se sert généralement de la petite pipe chinoise de métal, munie d’un long tuyau. Son tabac à fumer lui vient du Boutan et celui à priser de Chine. Ce dernier est le tabac fin et aromatisé que les Chinois exportent dans de petits flacons de porcelaine, de verre, d’agate, de cornaline et même de jade, assez semblables aux flacons à sels et à parfums dont se servent les Européennes[2].

  1. Klaproth, Description du Tubet, Nouveau journal asiatique, t. IV, p. 247, note.
  2. Ce tabac à priser, très estimé des peuples orientaux, fit, dès le moyen âge, l’objet d’un commerce étendu et les marchands arabes l’introduisirent jusqu’en Égypte, où l’on a trouvé des flacons ayant servi à le contenir aux alentours de tombes royales violées par les chercheurs de trésors. On se rappelle l’amusante méprise dans laquelle les premiers de ces flacons découverts firent tomber l’égyptologue Rosellini, qui, s’appuyant sur ces trouvailles, bâtit un merveilleux édifice de savantes considérations sur