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ANNALES DES SCIENCES PSYCHIQUES.

quelque chose à M. Rubinstein on peut devenir superstitieuse après ces apparitions réitérées et c’est heureux qu’il soit bien portant. » Le temps que j’ai mis à causer avec Mlle Michéeff avant le commencement de la leçon était exactement de 17 minutes.

À deux heures, ce même jour, j’ai raconté à M. le prince Tarchanoff ces hallucinations réitérées et lui ai fait les mêmes remarques qu’à Mlle Michéeff. Après cela nous n’avons plus parlé de cet incidente puisque je ne lui prêtais aucune importance ; mais cinq jours plus tard, c’est-à-dire mercredi 9/21 de novembre, j’appris que M. Rubinstein venait de mourir subitement à deux heures du matin, et que depuis vendredi dernier il s’est senti indisposé. Cette étrange coïncidence de mes hallucinations avec la mort subite de ce musicien célèbre a fait une si forte impression sur ma fille que j’avais beaucoup de peine à la tranquilliser et que je me reprochais d’avoir parlé en sa présence de mes visions hallucinatoires. Comme je n’ai pas pensé à M. Rubinstein au moment de ses apparitions, ni les jours précédents, je ne sais comment m’expliquer cette étrange coïncidence. Je dois encore ajouter que, pendant toute sa vie, M. Rubinstein n’est venu dans ma maison qu’une seule fois et que nos relations étaient tout à fait superficielles. Jamais M. Rubinstein n’a joué chez moi. La seule association involontaire qui pouvait exister entre la leçon de musique de ma fille et M. Rubinstein, se rapportait au fait suivant : se trouvant chez moi, le grand musicien a fait jouer ma fille qui n’avait alors que 10 ans, puis il l’a examinée par rapport à son ouïe musicale, et il m’a adressé ensuite les paroles suivantes : « Votre fille, madame, a une ouïe absolue, elle joue du piano avec tant de sens et de sentiment que cela démontre qu’elle doit être très douée pour la musique. Elle doit étudier la musique. Vous chargeriez votre âme d’un péché mortel, si vous ne lui faisiez pas étudier la théorie, l’harmonie, etc. Il y a, en elle, l’étoffe d’une vraie musicienne.

Voilà, cher monsieur et ami, le récit exact de ce qui m’est arrivé en automne de 1894 et que je ne puis m’expliquer que par une série de suppositions gratuites. Ainsi, par exemple,