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DOCUMENTS ORIGINAUX.

que de ma fille, Mlle Michéeff, en lui racontant ma visite à la cathédrale de Saint-Pierre et Saint-Paul, quand tout à coup j’aperçus bien distinctement M. Antoine Rubinstein en habit noir, assis devant le piano ouvert, les mains posées sur les touches du piano et sa tête de lion renversée un peu en arrière. Je le voyais par la vision indirecte, parce que le piano se trouvait à ma droite, tandis que je me tenais vis-à-vis des fenêtres et Mlle Michéeff et ma fille se tenant vis-à-vis de moi, avaient leurs dos tournés vers les fenêtres. En voyant tout à fait distinctement M. Rubinstein je me suis retournée vers le piano et au même moment la figure hallucinatoire a disparu lentement. J’ai dit alors à Mlle Michéeff et à ma fille, que je venais de voir M. Rubinstein assis devant le piano et ayant l’air de vouloir commencer à jouer et j’ai fait encore là-dessus la remarque suivante : « C’est heureux que M. Rubinstein soit bien portant, car autrement cette vision-là pourrait donner des inquiétudes superstitieuses, d’autant plus que quelques jours avant la mort de l’empereur je l’ai aperçu en vision hallucinatoire. »

Juste à ce moment j’aperçus de nouveau la figure de Rubinstein assis devant mon piano, dans la même pose, et je le vis aussi distinctement que la première fois. En me retournant vers le piano j’ai vu de nouveau la vision disparaître lentement, comme une fumée qui se disperse dans l’air humide. Cette seconde apparition m’a été un peu désagréable et je l’ai dit à Mlle Michéeff ; mais quelques secondes après nous nous sommes mises à causer des différentes rumeurs qui couraient alors dans la ville. Quelques minutes se passèrent ainsi quand tout d’un coup j’aperçus de nouveau M. Rubinstein encore assis devant mon piano, dans la pose décrite plus haut. Je le voyais distinctement, comme si c’eût été un homme vivant et non une vision hallucinatoire. Il disparut dès que je me fus retournée vers le piano. Cette fois je ne pouvais me défendre d’une impression pénible qui m’a donné le frisson tout le long de la colonne vertébrale et en même temps j’ai pâli. En m’adressant à Mlle Michéeff je l’ai priée de changer sa position, de sorte qu’en lui parlant je puisse voir le piano directement en face de moi. « Vraiment, ai-je dit, s’il arrive