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Si cette rigidité de principes et cette inflexibilité de caractère ont excité contre lui quelques animosités dont il n’a pu que s’honorer, il a su, par ses solides qualités, se faire et se conserver de vrais amis ; plusieurs dataient de son enfance et de sa jeunesse, et il a eu la douleur de les voir successivement disparaître.

Dans ses dernières années, les infirmités corporelles augmentaient ; il se déplaçait de plus en plus difficilement, mais il travaillait toujours avec la même ardeur. Il recevait volontiers ceux qui venaient le voir, et il les retenait par le charme de sa conversation. Sa mémoire étonnante, son intelligence toujours aussi vive, ses habitudes régulières, sa vie sobre, les soins dont sa famille l’entourait, tout éloignait l’idée d’une fin prochaine. Mais devant les progrès de l’armée prussienne son imagination s’exalta ; et après quelques hésitations il se décida subitement, le dimanche 11 septembre 1870, à quitter Paris, ses livres, ses papiers, ses richesses intellectuelles et le cabinet de travail qu’il occupait depuis vingt-cinq ans. S’appuyant sur des béquilles, au milieu de cette foule de femmes, d’enfants et de vieillards qui fuyaient comme lui, il partit pour Bordeaux avec une partie de sa famille, n’emportant qu’un léger bagage et quelques études commencées. Il supporta très-bien les fatigues d’un voyage de nuit, et à peine installé à Bordeaux, sans autres ressources que sa mémoire, il se remit au travail ; mais six semaines après son arrivée, aussi fortement effrayé du présent que de l’avenir, il était pris pendant trois jours d’une fièvre irrésistible, et le 24 octobre il rendait l’âme, plein de reconnaissance envers Dieu, suivant ses expressions, pour la portion de bonheur qui lui avait été départie sur cette terre.

Sa compagne dévouée, un de ses gendres et sa plus jeune fille ont eu la triste consolation d’adoucir l’amertume de ses derniers moments. Son autre fille et son autre gendre (l’auteur de cette notice), enfermés dans Paris pendant le