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On ne cultive pour la table que le noisetier franc à fruit blanc et à fruit rouge, ainsi que le noisetier avelinier. Tous veulent une exposition aérée, mais à l’ombre ; ils ne sont pas difficiles sur la nature du terrain.

On multiplie les noisetiers par le semis des noisettes, que l’on fait préalablement stratifier. Non-seulement ce moyen a l’inconvénient de ne pas rendre exactement le type, mais il est, de plus, très-long ; car les noisettes ont, jusqu’à leur levée, des ennemis redoutables dans les mulots, les souris et les rats, qui en sont très-friands. Aussi préfère-t-on planter des drageons pris au pied des anciens noisetiers, ou des marcottes recueillies sur des mères dans les pépinières.

Tous les huit ou neuf ans, il est nécessaire de receper les vieilles tiges, et de les remplacer par les nouvelles pousses. C’est le moyen de prolonger l’existence d’une noiseterie.

Quand on veut manger les noisettes fraîches, on peut les cueillir à la main ; mais on doit se ganter, lorsqu’on veut les conserver pour les faire sécher.

La noisette a une saveur douce et agréable. Elle sert à faire une pâte d’amande préférable à celle que l’on obtient avec les résidus des fruits de l’amandier ; elle est employée également à la confection d’une huile qui, faite à froid, remplace l’huile d’olive sinon pour les gourmets du moins pour quelques personnes qui s’y habituent. Elle n’a presque pas de goût ; c’est dire qu’elle est en même temps supérieure aux huiles d’œillette, dont la saveur est nauséabonde et inférieure aux huiles de Provence et de Languedoc, dont le goût de fruit[1] est si agréable aux amateurs.

Les jeunes tiges du noisetier sont très-flexibles et servent à la confection de divers ouvrages de vannerie ; quand elles sont assez grosses, on en fait d’excellents échalas ; réduites en charbon, elles entrent dans la fabrication des crayons et de la poudre à canon.

Une baguette de noisetier était autrefois l’instrument dont se servaient les sorciers qui prétendaient découvrir les mines d’or et d’argent, ou retrouver les bijoux volés, et, qui plus est, signaler les voleurs et les assassins. Qui n’a entendu parler de Jacques Aimar, ce paysan du Dauphiné, auquel un heureux hasard permit de trouver l’auteur d’un meurtre commis à Lyon, en 1692 ? Ayant acquis ainsi une grande célébrité, il fut appelé par le prince de Condé, qui le mit à l’épreuve et reconnut bientôt sa fourberie, en le voyant prendre d’honnêtes gens pour des voleurs, des pierres pour de l’argent et traverser une rivière, les yeux bandés, sans signaler la présence de l’eau. Aujourd’hui la baguette divinatoire n’a plus aucun prestige ; elle a cédé la place aux tables tournantes et parlantes, qui, en plein xixe siècle, défrayent l’éternelle et incorrigible race des amateurs du merveilleux.

Les noisetiers n’ayant pas, en culture, une importance remarquable, les anciens auteurs s’en sont peu occupés. Pline nous apprend seulement qu’on en faisait des torches qu’on brûlait le jour des noces pour appeler sur les jeunes époux les bénédictions des divinités.

Virgile mentionne assez souvent le noisetier dans les églogues, et les poëtes modernes qui ont chanté la vie pastorale, se sont plu à célébrer les coudraies, dont le feuillage épais prête un asile mystérieux aux plus tendres larcins.

  1. Ces mots ne sont pas de nous ; c’est une expression du Midi. Les uns aiment que le goût de fruit soit imperceptible ; les autres, qu’il soit prononcé. Il y a ainsi deux écoles dans les amateurs d’huile.