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Déjà, selon Van Mons et vers l’époque où ses idées étaient fixées sur les secrets de la nature dans son mode de reproduction, de nombreux semis de poires et d’autres fruits avaient eu lieu en France par les moyens ordinaires, et n’y avaient produit rien de bon. Un peu plus tard, M.  Sageret citait des semis considérables et longtemps continués, n’ayant donné naissance à aucun bon fruit. Il en était de même en Allemagne (à cette époque) ; car on y voit une académie célèbre couronner un auteur éminent pour avoir soutenu (en réponse à la question sur la possibilité ou l’impossibilité d’obtenir de bons fruits par les semis), que tous les fruits domestiques dont nous étions alors en possession, nous étaient parvenus des anciens peuples, et avaient été primitivement extraits des bois, aux lieux où la nature les a fait naître tels qu’ils sont, et qu’il est de toute impossibilité que la graine de ces sortes fournisse jamais un bon fruit.

Nous extrayons ce qui précède de la Pomonomie Van Mons, et nous faisons cette citation, afin de prouver quelle confiance avait l’auteur, dès l’abord, dans une théorie contraire à tout ce qu’il y avait de plus haut placé alors en pomologie.

Van Mons, dès l’âge de 15 ans, s’était occupé du semis des plantes annuelles et des rosiers ; il avait remarqué :

1o  Que le semis successif et fait de père en fils, devait éloigner les espèces de leur condition de plantes sauvages et les rapprocher de la variation, avec la condition que le semis soit répété plus souvent et avec moins d’interruption ;

2o  Qu’une plante une fois entrée dans la variation, n’en sortait plus, si, par un semis non interrompu, on ne lui laissait pas le temps de se poser définitivement dans sa première variation, et que l’interruption dans le semis produit du plant d’autant plus mauvais, que cette interruption a été plus longue ; qu’au second semis fait de la graine du premier, l’amélioration était sensible et que le plant de celui-ci et encore plus celui du semis suivant se distinguaient par des fleurs de forme singulière et de coloration remarquable ; que les semis suivants, tout en donnant les fleurs les plus parfaites pour la plénitude, en donnaient de moins parfaites pour la forme et la couleur ;

3o  Que plus le semis en ligne directe était répété, plus la floraison était rapprochée en même temps que la variation devenait moins tranchée ;

4o  Que les retardataires à la floraison produisaient les plus belles fleurs ;

5o  Que la fertilité croissait avec la répétition des semis ;

6o  Que la plante, régénérée un certain nombre de fois, perdait en vigueur ce qu’elle gagnait dans sa forme : c’est-à-dire, qu’en déposant sa forme rude et agreste, pour en prendre une délicate et domestique, elle devenait plus sensible aux rigueurs de la saison ;

7o  Que la dégénérescence avait lieu principalement dans la graine ;

8o  Et enfin, que les plantes ont d’autant plus d’aptitude à varier, qu’elles s’éloignent de leur station naturelle.

Après avoir reconnu l’exactitude de ces observations sur les fleurs annuelles et sur les rosiers, Van Mons pensa à les appliquer aux arbres fruitiers et posa ainsi, dès l’âge de 22 ans, les fondements de sa théorie. Ses premiers semis furent exclusivement composés des pepins de bons fruits anciens, et à cet égard il regrette deux choses : la première, de n’avoir pas connu les fruits nouvellement gagnés dans le Hainaut, etc. ; la seconde, de n’avoir pas semé au lieu de pepins de bons fruits anciens, des pepins des poires de verger du pays wallon, qu’il pouvait acheter en grande quantité sur le marché de Bruxelles. Quant au premier point, il reconnaît dans la suite de son ouvrage, qu’il a mieux valu, pour la confirmation de sa théorie, qu’il en fût ainsi, car, en semant des pepins d’excellents fruits nouvellement procréés, il n’eût pu manquer d’obtenir du bon et il eût alors indubitablement abandonné la suite de ses recherches, comme il l’a fait pour les pommes, les pêches et autres fruits, lorsqu’il eut reconnu leur facilité à ne plus produire que du très-bon dès la quatrième génération. Quant au second point, il dit que les pepins de ces mauvais fruits de verger qu’on présentait alors sur le marché de Bruxelles, étant eux-mêmes le produit d’un premier semis de bons fruits anciens, pouvaient former la seconde génération de sa théorie, ce qui eût pu rapprocher son affirmation de douze à quatorze années ; cependant, comme indépendamment de ses semis de pepins d’anciens fruits, Van Mons se mit à rechercher de tous côtés les sauvageons dont l’aspect lui promettait la production de fruits plus ou moins bons, et que plusieurs de ces sauvageons déjà assez forts lui fournirent bientôt les pepins devant former sa seconde génération, il nous paraît que le retard dont il se plaint plus haut, au lieu d’être de quatorze à quinze ans, n’a été en définitive que de trois à quatre.

Le résultat du premier semis de Van Mons fut une première génération dont la physionomie en général très-variée, s’éloignait beaucoup de celle de leur mère ; ces jeunes arbres furent soignés avec tous les soins convenables et l’on hâta leur croissance par tous les moyens connus ; au bout d’un laps de temps plus ou moins long, de dix ans pour les uns et de vingt pour les autres, soit en moyenne quinze ans, ils donnèrent tous, ainsi qu’il s’y attendait, des fruits petits et mauvais. Il sema immédiatement et sans interruption, c’est-à-dire la même année, les pepins de ces mauvais fruits, et en obtint des arbres toujours différents de leur mère, mais ayant cependant un aspect moins sauvage.

Ces arbres, cultivés avec les mêmes soins que les précédents, donnèrent une récolte de fruits meilleurs, mais n’ayant cependant encore aucune des qualités des bons fruits de table, seulement leur production se fit moins attendre. Les pepins