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cultures. Entre les calvilles, les beurrés si fins, si parfumés et les petits fruits acerbes du pommier et du poirier de nos forêts, la distance n’est-elle pas énorme ?

Peut-on comparer la cerise des bois avec les belles variétés de cerises et de bigarreaux introduites dans nos jardins ? Pour nous procurer ce que les peuples méridionaux obtiennent avec tant de facilités, nous avons dû vaincre la nature, la modifier par les semis, la culture et les croisements, transplanter des autres contrées les espèces qui nous manquaient ; ces besoins ont fait naître et grandir l’art de l’horticulteur, et créé une branche de connaissances, la pomologie, que les travaux de Van Mons ont fait notablement progresser, en traçant, pour l’avenir, des règles applicables à l’amélioration des espèces.

Le temps, dans sa course rapide, emporte les générations et fait disparaître également les sous-variétés de végétaux : si les genres et les espèces de la création actuelle se maintiennent à la surface du globe, la plupart de ces types y sont représentés par des variétés, individualités passagères qui n’ont qu’une existence bornée. C’est à l’homme, doué d’une intelligence supérieure, à s’en servir pour réparer ces pertes, et remplacer les variétés éteintes ou languissantes par des individus nouveaux doués de l’énergie et de la vitalité de la jeunesse.

Tel doit être le but des recherches du pomologue ; la nature elle-même lui en a donné l’exemple, en faisant naître, par des semis spontanés, les variétés utiles destinées à remplir les vides qui se forment sans cesse dans nos cultures.

Les meilleures règles à suivre dans ce genre de recherches, ont préoccupé, dans les temps modernes, un grand nombre d’hommes distingués.

Van Mons, en ouvrant cette voie nouvelle, a été suivi, en Angleterre, par Knight, Davy, William Herbert ; en France, par Sageret, Poiteau, Puvis et Vilmorin ; en Allemagne, par Diel.

Ces naturalistes sont unanimes pour constater la dégénération des fruits au bout d’un certain temps. Van Mons entre autres fixe la durée moyenne du poirier à environ deux ou trois cents ans, et cette loi de la nature se prouve encore à l’évidence, par la comparaison des richesses pomologiques des trois derniers siècles. On peut la confirmer aussi par le mode de végétation et de production actuelles des fruits gagnés vers l’époque de La Quintinie, de 1650 à 1680. Cet auteur, d’accord avec Merlet, son contemporain, enregistre, pour ainsi dire, l’acte de naissance d’une partie de ces fruits, encore cultivés de nos jours, et déjà arrivés à la caducité.

Pour être complètes, les Annales de la Pomologie devraient remonter aux temps primitifs du genre humain. La Genèse, parlant du premier séjour de l’homme, le décrit comme un jardin rempli de fruits délicieux, et attribue à l’attrait de l’un de ces fruits, la convoitise de la femme et la désobéissance de nos premiers aïeux.

Mais la connaissance de ces époques mystérieuses sera toujours un secret impénétrable pour nous : Moïse ne s’est pas occupé de décrire l’horticulture et la pomologie du monde sortant des mains de son Créateur. Les annales de l’antiquité jusqu’aux temps des Romains, jettent fort peu de lumières sur les fruits cultivés par les Grecs et les Égyptiens. La vigne échappe cependant à cette indifférence, à cet oubli des historiens ; car, dans l’antiquité, comme de nos jours, on tirait de son fruit la boisson la plus agréable et la plus bienfaisante. On sait que les chefs des hébreux, marchant à la conquête de la Palestine, excitaient l’ardeur du peuple en étalant sous ses yeux des grappes énormes, comme témoignage de la fertilité de cette terre promise.

Chez les nations païennes, la découverte d’un fruit précieux ou des jouissances qu’il peut procurer, était considérée comme un bienfait des dieux. On érigeait des autels à Bacchus pour avoir introduit l’usage du vin. Pour les Athéniens, l’olivier était le plus beau présent de la Divinité, qu’ils adoraient sous le nom de Minerve. Homère, en décrivant les jardins du roi des Phéaciens, mentionne le peu d’espèces fruitières que l’on y cultivait. Théophraste, qui écrivait 300 ans environ avant l’ère chrétienne, énumère dans son traité des végétaux, un grand nombre de fruits connus de son temps et donne des instructions sur la greffe et la culture en général.

Les conquêtes d’Alexandre et la marche envahissante des armées romaines, ne furent pas inutiles aux progrès de la pomologie antique. Le peuple-roi, en étendant sa domination du centre de l’Italie jusqu’aux confins du monde alors connu, transportait les productions d’un climat vers l’autre. Ses généraux, gorgés des riches dépouilles des peuples vaincus, abandonnaient les mœurs austères des premiers temps de la république ; ils ne se contentaient plus, dans leurs festins, des fèves de Curius-Dentatus, et laissaient à d’autres le soin de préparer leur cuisine. Les animaux et les végétaux les plus rares, envoyés à grands frais des extrémités du monde romain, contribuaient au luxe de leur table, et, sans aucun doute, les fruits faisaient partie d’une telle recherche. Lucullus, cet illustre gourmand du salon de Diane, rapporta du fond de l’Asie, la meilleure espèce de cerise connue. L’abricotier et le pêcher, importés de l’Arménie et de la Perse, se répandirent dans les autres provinces.

La culture de la vigne, négligée longtemps par les Romains, au dire de Pline, avait acquis une grande importance sous les empereurs. L’un d’entre eux, Probus, s’attacha à la propager ; sous ses auspices, elle pénétra dans la Germanie,