a sans doute fort exagéré en prétendant réduire toute science à une langue bien faite ; mais ce qu’on, ne saurait raisonnablement contester, et ce que prouve victorieusement le progrès immense qu’a dû l’algèbre au perfectionnement progressif de ses notations, c’est que, quand la langue d’une science est bien faite, les déductions logiques y deviennent d’une telle facilité, que l’esprit va pour ainsi dire de lui-même au-devant des vérités nouvelles. Or, M. Poncelet a pu souvent éprouver ce que nous avons éprouvé nous-mêmes ; savoir, qu’il est certaines propositions, évidemment susceptibles de l’espèce de traduction qui fait le sujet de son mémoire, et que pourtant on ne parvient pas à traduire sans quelque contention d’esprit ; et cela uniquement parce que les mots se refusent à les exprimer nettement. La double existence des propriétés de l’étendue pourra donc bien rester encore un mystère pour le gros des géomètres, aussi long-temps que, par exemple, on devra remplacer, dans les traductions, le mot unique diagonale par cette suite de mots points de concours des directions de deux côtés non consécutifs. L’embarras est bien plus grand encore dans la géométrie de l’espace, où nous n’avons pas même de périphrase pour caractériser nettement la surface polyèdre dont une surface développable est la limite ; car M. Poncelet conviendra, sans doute sans peine, que l’expression de polyèdre indéfini qu’il emploie n’est guère préférable à celle d’angle polyèdre gauche, que nous avions hasardée dans un précédent mémoire.
Il sera donc nécessaire, pour présenter la nouvelle théorie sous le jour le plus avantageux, de créer d’abord une langue à sa taille, s’il est permis de s’exprimer ainsi ; mais cette langue, nous en convenons, sera difficile à bien faire, et il sera peut-être plus difficile encore, lorsqu’elle sera faite, de lui obtenir un accueil favorable de la part des géomètres.