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INSTRUCTION

en sa présence, lors même que cette opération ne donne pas des résultats symétriques. Pour acquérir cette habitude, j’avais soin, dans les commencemens, de répéter, de vive voix, les calculs que j’avais exécutés avec mes lettres mobiles ; je me faisais lire aussi des livres d’algèbre, et j’effectuais les opérations qui s’y trouvaient contenues, sans autre secours que celui d’un voyant, qui les écrivait sur un tableau à son usage. Par cet exercice, fréquemment répété, je parvins, en peu de temps, et sans y employer les caractères mobiles, à faire de tête des calculs très-compliqués, tels que ceux de la Mécanique céleste. J'avais même acquis assez d’habitude en ce genre, pour suivre, avec quelque fruit, les cours publics de MM. Biot et Francœur. Souvent ce dernier me faisait démontrer de vive voix, tandis qu’il écrivait les résultats sur le tableau. En un mot, je subissais, comme les autres élèves, les examens qu’on fait ordinairement dans les lycées ; je concourais avec eux et comme eux ; si ce n’est seulement qu’il me fallait un enfant pour écrire ce dont j’avais besoin.

À l’égard de cet enfant, plusieurs personnes ont pensé qu’il fallait que celui dont l’aveugle emprunte le secours fût non seulement un homme fait, mais encore un homme presque aussi instruit que cet aveugle lui-même. C’est là une véritable erreur ; l’aveugle n’ayant uniquement besoin que de deux yeux et d’une main qu’il puisse mouvoir à son gré. Mais un enfant ne remplira bien l’objet que l’aveugle se propose, qu’autant que celui-ci prendra soin de l’instruire lui-même. C’est pour cela que j’ai toujours pris avec moi des enfans très-jeunes, auxquels, fort souvent, j’ai même été obligé de montrer à lire, et que je dressais ensuite aux petits services que je pouvais attendre d’eux. Je crois qu’en s’aidant de semblables moyens, un aveugle parviendra à étudier, avec quelque facilité et quelques succès, tant l’algèbre que toutes les sciences qui en dépendent.

Si nous passons de l’étude de l’algèbre à celle de la géométrie[1],

  1. Je parle ici non seulement de la Géométrie proprement dite, mais encore