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CONDITIONS.

IV. Considérons enfin le cas où les deux puissances ne peuvent être comprises dans un même plan ; soit et (fig. 5) ces deux forces ; et les plans parallèles qui les contiennent ; et la perpendiculaire commune à leurs directions ; soit enfin la projection, sur de la direction de  ; soit fait, dans ce plan, l’angle

    résultante de ces forces, lorsqu’elles sont inégales, il sera impossible de parvenir à aucune conclusion.

    C’est sans doute parce qu’il a senti cette difficulté, que M. Poinsot, qui avait un grand intérêt à bien établir cette proposition, sur laquelle repose toute sa statique, a cru devoir étayer, par divers raisonnement, les conclusions que lui avait fourni le calcul ; mais ces raisonnemens portent principalement sur ce qu’un même système ne saurait admettre deux résultantes distinctes, ou, en d’autres termes, sur ce que deux puissances, distinctes ne sauraient être équivalentes : proposition vraie dans tous les cas, et évidente dans un grand nombre, mais qui cesse d’être telle, lorsque les deux puissances, étant égales et parallèles, agissent dans le même sens.

    Loin qu’il soit évident de soi-même que deux puissances égales et parallèles, agissant dans le même sens, ne sont pas équivalentes, et ne peuvent conséquemment être substituées l’une à l’autre, il serait, au contraire, facile de prouver, par un raisonnement très-spécieux, qu’une puissance peut être transportée en un point quelconque parallèlement à elle-même. « Lorsqu’une puissance est appliquée à l’un des points d’un corps », dirait-on, « son action sur ce corps ne peut être, en effet, que de faire avancer ce point en ligne droite, suivant sa direction, et conséquemment, par la liaison des parties de ce corps, de faire décrire à tous les points qui le composent, des droites parallèles avec des vitesses égales ; résultat auquel on parviendra pareillement, en appliquant la puissance dont il s’agit à un autre point quelconque, pourvu qu’on lui conserve sa grandeur et sa direction. »

    On ne saurait même douter qu’il n’en dût être ainsi, pour une force unique appliquée à un corps dépouillé de masse, du moines tant que ce corps serait parfaitement libre, mais non point pour plusieurs forces ; puisqu’alors l’effet que chacune d’elles tendait à produire se trouverait contrarié par l’action des autres ; et, s’il n’en est pas ainsi, dans la nature, pour une force unique, appliquée à un corps parfaitement libre, c’est seulement parce que la masse de ce corps donne naissance à une force d’inertie qui contrarie l’action de celle qui lui est appliquée.

    On verra, au surplus, dans la note suivante, que la théorie qu’on expose ici peut être rendue indépendante de toutes ces difficultés.