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XX
[à Frédéric II][1].

Sire,

Vous êtes mon protecteur et mon bienfaiteur, et je porte un cœur fait pour la reconnoissance : je veux m’acquiter avec vous, si je puis.

Vous voulez me donner du pain : n’y a-t-il aucun de vos sujets qui en manque ?

Otez de devant mes yeux cette épée qui m’ébloüit et me blesse. Elle n’a que trop bien fait son service, et le sceptre est abandonné. La carrière des Rois de vôtre étoffe est grande ; vous êtes encore loin du terme. Cependant le tems presse, et il ne vous reste pas un moment à perdre pour y arriver. Sondez bien vôtre cœur, ô Frederic ! pourrez-vous vous résoudre à mourir sans avoir été le plus grand des hommes !

Puissai-je voir Frederic le juste et le redouté couvrir enfin ses Etats d’un peuple heureux dont il soit le père ; et Jean Jacques Rousseau, l’ennemi des Rois, ira mourir de joye aux pieds de son Trône.

Que Vôtre Majesté, Sire, daigne aggréer mon zéle, et mon très profond respect.

J. J. Rousseau.

A Môtiers-travers, le 1r 9bre 1762.

Sans adresse.

  1. Archives royales de Berlin. Communiqué par le Dr Konrad Wolter. Nous donnons ici le texte définitif de cette lettre importante, quoiqu’elle soit dans Hachette, à cause des hésitations et des variantes des minutes. La disposition même des alinéas ne laisse pas d’être significative.