Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 8.djvu/9

Cette page n’a pas encore été corrigée

s’encadre entre deux ouvrages dramatiques qui la démontent.

Rousseau est tour à tour un individualiste exaspéré ou un socialiste autoritaire. Il suppose l’homme naturel féroce après l’avoir proclamé bon. Il se prononce successivement pour l’éducation publique et pour l’éducation privée. Il déclare la société tantôt artificielle et tantôt naturelle, tantôt corruptrice et tantôt bienfaisante ; il en fait tantôt un mécanisme et tantôt un organisme. Il lance l’anathème à la propriété, et bientôt après il la proclame sacrée. Il peint un athée vertueux, et punit de mort l’athéisme.

Sans cesse il détruit ses propres idées ; il n’y a par confiance ; il rudoie et décourage ceux qui veulent les appliquer ; et pour son compte, il les rétracte. Après avoir organisé le despotisme égalitaire de la démocratie, il se rejette tout d’un coup, éperdu, vers le despotisme arbitraire de la monarchie absolue.

Il n’y a chez lui qu’une rhétorique effrenée, une agitation désorientée et ahurissante. Ses ouvrages ne manifestent pas la méthode d’un penseur soucieux de s’accorder avec soi-même, mais une « technique de poète et de rhéteur » (Espinas). L’Emile est une « mystification prolongée » (Espinas), dont le faible cerveau de Kant a été dupe. Rousseau est un charlatan, ou un fou, tout au plus un pauvre être visionnaire, jouet de suggestions et de représentations incohérentes.

Ces critiques qui viennent d’écrivains pénétrants et de penseurs distingués sont troublantes, à coup sûr. Elles le seraient davantage si je ne me rappelais avec quelle facilité on déniche des contradictions dans les systèmes des philosophes les plus sérieux : l’insuffisance