Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 8.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée

faibles — et ce sont les faibles que Rousseau, né peuple et demeuré peuple, aime à considérer — l’égalité est la garantie de la liberté. Elle ne vaut rien pour le lion, elle est précieuse pour les chacals, dirait M. de Curel. L’égalité limite les chances théoriques et accroît les chances pratiques des faibles. L’égalité, c’est la ligue des faibles pour contenir les forts ; individus ou Etats, c’est la ligue des faibles qui leur assure le maximum de protection et de liberté. Le fédéralisme de Rousseau n’est que la traduction en droit international de ses idées de démocratie égalitaire.

Mais Rousseau croyait-il à ses idées ? Ne les a-t-il pas en plusieurs occasions rétractées ?

La part, une fois faite, des boutades misanthropiques d’un homme fier à qui le zèle, les avances et les compliments sont suspects, voici ce que je trouve :

Un homme timide, effrayé de l’action, hardi dans le rêve et dans la théorie, et qui se dérobe aux applications ;

Un esprit imaginatif et constructeur qui garde au travers de son activité idéale des intuitions vives et nettes de la vie, qui sent avec effroi la complication des problèmes pratiques, la multiplicité, l’entrecroisement, l’instabilité des données dans l’ordre de la réalité, et qui frémit dans son humanité à l’idée des conséquences que peuvent avoir les erreurs qu’on commet en travaillant, comme disait la grande Catherine, sur la peau des hommes.

De là, la circonspection, la prudence, la modération conservatrice, les compromis opportunistes, les cotes mal taillées entre l’idéal et le réel.

De là, quand il s’agit d’Emile, l’affirmation qu’il faut