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considérer partout sa tolérance, sans doute comme sincère et positive, mais non pas comme illimitée.

La contradiction relevée sur l’éducation, en revanche, disparaît sans peine. Traçant dans l’abstrait le plan de l’Etat idéal, il remet à la société le soin de former l’homme social, c’est à dire d’élever les enfants : donc l’éducation est publique dans l’article Economie politique. Se demandant plus tard comment, dans une société donnée, on peut faire un homme, il ne voit qu’une chance de réussir, c’est de dérober l’enfant à l’influence de la société, et de ne pas le livrer aux collèges tels qu’ils sont, foyers de corruption sociale : donc l’éducation est privée dans Emile. Mais lorsque Rousseau législateur pourra organiser tout l’Etat, et les collèges, selon ses principes, alors la réalité pourra se conformer à l’idéal, la pratique à la théorie : donc l’éducation sera de nouveau publique, dans les Considérations sur le gouvernement de Pologne. Les solutions ont changé parce que les conditions du problème changeaient.

Il faut bien regarder la nature de l’ouvrage que Rousseau compose, le caractère de la fiction ou de l’hypothèse initiale. La Critique de la raison pure et la Critique de la raison pratique sont des écrits de même ordre ; la même clef les ouvre. Au contraire, le Contrat, l’Emile, la Nouvelle Héloïse sont des ouvrages d’ordre très divers : exposition théorique, roman pédagogique, roman de passion et de mœurs. Le Contrat est une œuvre de doctrine abstraite, située tout entière dans le plan de l’idéal. La Nouvelle Héloïse est dans le plan du réel : l’idéalisme de Rousseau s’y glisse sous forme de psychologie dans les caractères des personnages qu’il crée, mais il les soumet extérieurement aux conditions de la