Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 8.djvu/29

Cette page n’a pas encore été corrigée

peut-être que les Vaudois n’avaient jamais à être des citoyens. Néanmoins il y a des institutions politiques, un régime légal de propriété, qui commandent et ordonnent la vie de la famille Wolmar. Julie et son mari agissent selon l’esprit du Contrat : n’ayant pas à réformer l’Etat, ils se réforment, d’après l’idéal naturel, de façon à ôter aux institutions leur pouvoir oppressif et dégradant. Et c’est bien ainsi que le Contrat nous fait entrevoir qu’on peut toujours se comporter dans une société monarchique et dans une hiérarchie de privilèges.

Enfin le Contrat repose sur le principe de la soumission des individus à la volonté générale. Mais cette volonté générale, on le sait, Rousseau en postule la bonté : il ne connaît aucun moyen de faire que la volonté du peuple soit cette volonté générale idéale, et non une expression de l’égoïsme d’une majorité, ou d’une coalition d’intérêts particuliers.

Mais alors que reste-t-il, pour que la doctrine du Contrat ne soit pas une pure chimère ? Il reste l’Emile, c’est à dire l’éducation. La république de la volonté générale ne peut être que la république des bonnes volontés individuelles. Le Contrat se réalisera progressivement, à mesure que l’éducation fera entrer dans la vie sociale un plus grand nombre d’Emiles, à mesure que s’opèrera la restauration de l’homme naturel dans l’homme civil. Aucune constitution, pour conserver ces biens inestimables, la liberté et l’égalité, ne peut se passer de la vertu des citoyens : c’est à dire que le Contrat a pour complément l’'Emile. Et inversement, dans toutes les constitutions, la bonne volonté et la vertu des citoyens sont efficaces c’est à dire le Contrat a pour équivalent la Nouvelle Héloïse.