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III. Emile et la Nouvelle Héloïse ne réformaient que la volonté de l’individu. Le Contrat social réforme ou interprète les institutions, pour que l’égalité et la liberté, ces biens primitifs perdus depuis si longtemps, s’y retrouvent. Je dis : réforme ou interprète, parce qu’en réalité Rousseau rédige moins un plan de constitution, qu’un programme d’éducation civique, un manuel du citoyen. Les principes du Contrat recommandent moins certaines institutions qu’une certaine manière de comprendre les institutions, quelles qu’elles soient : le Contrat social serait réalisé sans révolution, le jour où, dans la conscience du chef comme dans celle des sujets, vivrait l’esprit qui a dicté le Contrat. Il n’y aurait pas besoin de proclamer la république, le jour où le roi, tyran ou sultan, serait républicain et exercerait son autorité, si je puis dire, républicainement. L’erreur que certaines discussions du Contrat dénoncent, contre Montesquieu, c’est qu’il y ait des institutions intrinsèquement et nécessairement libérales.

La différence essentielle de l’Emile et de la Nouvelle Héloïse au Contrat est que dans les deux premiers ouvrages, Rousseau regarde l’homme privé dans sa conscience et dans ses rapports domestiques, tandis que dans le dernier, il regarde le citoyen et les relations qui s’établissent entre les membres du même état.

Il n’y a pas de doute que, par la forme littéraire, le Contrat ne s’oppose aux deux Discours, à la Lettre sur les spectacles, à la Nouvelle Héloïse, et même à l’Emile : visiblement il a voulu bannir de son style la passion, l’éloquence ; il a poursuivi une manière sèche, précise, dogmatique, scientifique, décisive.

C’est que le Contrat, historiquement, sort de ce cou-