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guer deux parties, une partie de morale individuelle, et une partie de morale sociale.

Dans la première, Julie aime Saint-Preux et en est aimée. Amour naturel, innocent, de deux êtres jeunes et sains[1]. La société — incarnée dans le baron d’Etange — condamne cet amour : un préjugé artificiel, l’inégalité de naissance et de rang, sépare les amants que la nature unit. Julie épouse M. de Wolmar. Quelle issue lui laisse alors la société ? Comme à Mme  d’Epinay, comme à Mme  d’Houdetot, comme à tant d’autres, l’adultère, sur lequel le monde ferme les yeux pourvu qu’on évite le scandale. Mais l’adultère, c’est le partage honteux, la trahison, le mensonge ; c’est l’avilissement définitif de l’individu par la société.

Julie se sauve par la conscience appuyée sur la religion. Elle rétablit dans sa vie la loyauté, la franchise, par le renoncement. D’innocente fille, elle devient femme vertueuse, et à défaut du bonheur, elle retrouve la paix. Au lieu des ivresses de la passion, elle goûte des affections douces et profondes dans la fidélité conjugale et la maternité. Voilà comment l’individu peut résister au mal social qui l’enveloppe et s’insinue en lui ; voilà comment il peut restaurer en lui l’équivalent de l’innocence et du bonheur naturels.

Dans la seconde partie, Rousseau règle les rapports du mari et de la femme, de la maîtresse de maison et des domestiques, du patron et des ouvriers, du grand propriétaire et des paysans du voisinage. La bonne volonté de Wolmar et de Julie les porte à ne jamais pro-

  1. Julie a simplement « anticipé » sur le mariage, cas fréquent dans les registres du consistoire de Genève : qu’on la marie à Saint-Preux, elle fera une bonne et fidèle femme.