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Genève. Il ne le condamne pas jusqu’à en priver Paris, si bien qu’on ne peut lui opposer qu’il a fait Narcisse et qu’il fera Pygmalion. Le théâtre est l’image des mœurs : il est ce qu’elles sont, et renvoie aux individus l’image de la conscience publique de leur nation.

C’est pour cela qu’il ne faut pas de théâtre à Genève. Si l’on veut conserver les mœurs simples de la petite cité républicaine, il n’y faut pas acclimater le théâtre parisien. L’exportation des pièces françaises a pour effet nécessaire la diffusion des manières, des habitudes, des vices de la société française. La communication des arts tend à égaliser les mœurs, et Genève vivra comme Paris, dès que l’on s’y amusera comme à Paris.

Au plaisir luxueux du théâtre, plaisir exclusif, plaisir de privilégiés, Rousseau oppose les plaisirs collectifs des fêtes démocratiques[1], où tous participent, acteurs et spectateurs à la fois, où la joie de l’un n’est pas faite de la privation de l’autre.

Ainsi, comme d’abord Rome et Sparte, comme ensuite les patriarches et les sauvages, Genève fournit à son tour le symbole de l’idéal social que Rousseau oppose au siècle des lumières et à l’hégémonie civilisatrice de la France. La vie à Genève est moins éloignée de la nature qu’à Paris : elle est donc meilleure, et en la défendant, on défend des restes de l’état primitif.

Au même esprit se rattachent les trois grands ouvrages de Rousseau, si divers d’origines et de caractères.

I. La Nouvelle Héloïse est sortie d’un rêve de volupté redressé en instruction morale. Nous pouvons y distin-

  1. L’idée des fêtes de la Révolution est là en germe.