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Le moment de l’évolution humaine où il s’arrête avec complaisance, avec une sympathie enthousiaste, c’est la vie sauvage ou patriarcale, la vie des tribus qui vivent de chasse ou de pêche, la vie des peuples pasteurs, avec peu de lois, presque pas de classes, et surtout pas de différences de manières. Ce que lui fournissaient Rome et Sparte dans le premier discours, les sauvages d’Amérique et les patriarches de la Bible le lui fournissent maintenant : une représentation enchanteresse de mœurs simples où il lui semble qu’il eût vécu plus à l’aise que dans sa rue Grenelle-Saint-Honoré, et chez Madame Dupin.

Mais à quoi bon deviner des sentiments qu’il a formellement exprimés ? Il refuse, dans sa note 9, de détruire la société, et même de la fuir. Il veut vivre dans la société, en bon citoyen, soumis à l’autorité légitime et aux lois il soupire seulement que les bons princes et les sages ministres soient si rares ! Et dans la note 19, il repousse au nom de la justice l’égalité rigoureuse de l’état de nature, et pose le principe d’une organisation où les droits de chacun seraient proportionnés à ses services effectifs. Ainsi la société pourrait être mieux, et Rousseau en sait le moyen. Ce qui conduirait à l’idée de réforme, et non de suppression. Mais il n’insiste pas sur la réforme, il n’est pas prêt encore.

En son vrai sens, le discours sur l’Inégalité est donc à deux branches : 1° La société est mauvaise, elle l’a été depuis l’origine, par la faute des hommes. Toute l’histoire, et la préhistoire même, montrent dans l’état social l’oppression des faibles par les forts. 2° La société est nécessaire : elle a été le produit fatal des circons-