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est certainement en contradiction avec le Discours sur l’inégalité. Mais quelles preuves a M. Espinas pour placer celui-là chronologiquement après celui-ci, et tout près de lui ? Quelques citations faites par Rousseau d’un ouvrage de Duclos paru en 1754. Quelle valeur a l’argument puisqu’on sait d’ailleurs que le texte de l’Essai a été remanié par Rousseau une ou deux fois au moins ? Les citations de Duclos ont pu entrer seulement dans une de ces reprises. J’ai pour ma part lieu de croire sur certains indices positifs que l’Essai sur l’origine des langues date d’une époque où les vues systématiques de Rousseau n’étaient pas formées, et que sous son titre primitif (Essai sur le principe de la mélodie), il répondait à l’ouvrage de Rameau intitulé Démonstration du principe de l’harmonie (1749-1750)[1]. Par sa matière et sa teneur, l’Essai sort du même courant de pensée qui se retrouve dans l’Essai de Condillac sur l’origine des connaissances humaines (1746), et dans la Lettre de Diderot sur les sourds et muets (1750-1751). Je placerais donc volontiers la rédaction de l’Essai de Rousseau, au plus tard, en 1750, entre la rédaction et le succès du Ier Discours.

L’inconvénient des critiques excessives et des partis pris passionnés, c’est qu’ils nous excitent à prendre, pour y répondre, une attitude symétrique et inverse, et à parler en avocat après les gens qui ont parlé en ministère public. Je tâcherai de résister à cette tentation, et sans me soucier de laisser sans réponse ou de favoriser certaines parties de l’accusation, j’essaierai moins

  1. Le ton de la discussion dans cet ouvrage donne lieu de croire que la rédaction en est antérieure aux Observations de Rameau sur notre instinct pour la musique (1754.) où Rousseau était vivement pris à partie.