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ANNALES DE LA SOCIÉTÉ J. J. ROUSSEAU

étapes de ces corrections s’ajoutent indéfiniment les unes aux autres : remaniements des phrases dans ses promenades de Montmorency, le soir, la nuit. Pour le moins premier brouillon surchargé de ratures innombrables, deuxième brouillon, copie pour l’édition modifiée, copie Luxembourg également et différemment modifiée, corrections du deuxième brouillon, envoi d’additions ou corrections à Rey, corrections sur les épreuves, corrections de style dans l’errata, autres corrections pour l’édition de 1763, exemplaires de 1764 et 1769 corrigés et annotés. Quand on étudie ces corrections, qu’on retrouve les mêmes variantes qui oscillent à quatre reprises entre deux textes, les mêmes notes abandonnées et reprises, on doit songer une fois de plus que Rousseau fut un nerveux et un malade et que la tendance à l’idée fixe, parfaitement d’accord avec l’indécision, se retrouve parfois dans ses tâches d’auteur comme dans les actes de sa vie.

Ainsi se confirme aussi ce que nous avons dit ailleurs du style « sentimental » et non pittoresque de Rousseau. Quand il compose Jean-Jacques est un auditif et non un visuel. Lorsqu’on écrit, comme Chateaubriand, pour ressusciter par les mots sans couleur et sans forme les visions éclatantes et harmonieuses, on peut se corriger sans cesse et sans cesse trouver une plus sûre correspondance entre ses images et son style. Mais il n’est généralement pas de retour possible. La phrase plus fidèle à l’image s’impose sans conteste et pour toujours sur celle moins précise et moins vivante. Au contraire l’harmonie musicale d’une phrase est chose infiniment mystérieuse et mouvante. Elle n’est pas la même pour un Genevois du dix-huitième siècle qui