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annales de la société j. j. rousseau

Mais comment peindras-tu ces beaux yeux que j’adore,
Ces yeux dont un regard fait des destins si doux ?
Ecoute-moi. Vénus a les plus beaux de tous,
Donne-les à Thémire encore.
Enfin, à tous ces traits, pour qu’il ne manque rien,
Joins l’âme la plus noble et le cœur le plus tendre.
Pour peindre ce dernier et pour le peindre bien,
Amour charmant tu pourras prendre
Toute la tendresse du tien[1].

Margency savait tresser pour les Muses et les Grâces des couronnes poétiques, auxquelles les habituées de Mme d’Epinay trouvaient beaucoup de charmes. La composition n’allait cependant pas toute seule : « Je travaille ici à faire trembler, écrit-il à Grimm et au bout de tout cela je n’ai encore qu’une chanson et un madrigal de présentables. Je voudrais aller jusqu’à l’églogue, cela viendra. peut-être un de ces matins[2]. » En attendant, il écrivait à ce pauvre Desmahis, l’auteur de l’« Impertinent », qui jetait alors sa pâle lueur :

Quittez la palette légère
Où l’amour broie encore vos plus belles couleurs,
Appelé par Thalie a de plus grands honneurs,
Il est temps qu’aujourd’hui, d’une main plus sévère,
Pour achever la peinture des mœurs
Vous repreniez le pinceau de Molière.
Laissez-moi des amants le tendre caractère,
C’est à moi d’en chanter les charmantes douceurs,
Moi qui toute ma vie, auprès d’une bergère,
Ai porté la houlette et le chapeau de fleurs[3].

  1. Correspondance littéraire de Grimm. T. III, p. 9.
  2. Mémoires de Mme d’Epinay. T. II, p. 286.
  3. Vers publiés par Desmahis, reproduits par Paul Boiteau.
    Mémoires de Mme d’Epinay. T. II, p. 126.