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madame de verdelin

d’Epinay en donne peut-être l’explication dans le passage suivant

« Si je ne vous croyais tous d’accord à croire Margency aussi honnête, aussi bon qu’il est aimable, je l’aurais cru méchant et fat. Au moins est-il léger et indiscret. Je l’avais souvent entendu parler des demoiselles d’Ars et nous lire des lettres de l’ainée très bien écrites, mais très passionnées, j’en avais conclu que cette Madame de Verdelin était une fille qu’il entretenait et comme je ne me mêle guère des affaires des autres, j’étais restée dans mon opinion. J’ai été très étonnée d’apprendre, par hasard, que c’était une femme de condition, très jolie, très aimable, très raisonnable qui n’a contre elle que le malheur d’avoir pris pour M. de Margency une violente passion à laquelle elle sacrifie tout. Eh bien, voilà une femme perdue par un mauvais choix. On dit qu’elle lui a résisté longtemps, car on n’ignore rien de ce qui les concerne. »[1].

  1. Margency ne se faisait point faute en effet, de commettre des indiscrétions au sujet de Mme de Verdelin. Mme d’Epinay, dans une lettre à Grimm, et Diderot dans une lettre à Mlle Volland (T. XIX, p. 21) ont raconté l’anecdote de leur roman. Voici la version de Mme d’Epinay « Un jour que Margency pressait Mme de Verdelin sans succès et qu’elle le refusait avec la plus grande fermeté, il eut recours à ce dépit simulé dont on ne craint les effets que lorsqu’il n’est pas fondé. « J’entends, Madame, lui < : dit-il, vous ne m’aimez pas. Elle se mit à rire de ce propos comme d’une absurdité. Il le répéta du même ton et avec plus de violence encore. Elle le regarda avec étonnement, lui rappela les dangers auxquels elle s’exposerait, la jalousie de son mari, le mépris que ses parents, tous voués à la dévotion, auraient pour elle, la dépendance où la tiendrait le besoin qu’ils auraient de leurs valets, rien ne pu calmer Margency. Elle se lève avec le plus grand sang-froid, le prend par la main, le mène dans son cabinet « Eh bien, Monsieur, dit-elle, soyez heureux. II le fut ou crut l’être, et voilà les hommes Non. ils ne sont pas tous ainsi il en existe de plus généreux.

    Notons que Diderot donne à peu près la même version dans sa lettre à Mlle Volland (6 novembre 1760) (Tome I, p. 317), Gallimard, éditeur, Paris, 1930.