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LES LIBELLES DE VOLTAIRE CONTRE ROUSSEAU. ANNEXE II
Le PRESERVATIF.
à Berne le 12e Mars 1765.

Il n’y a pas longtemps que dans une Ville voisine de nôtre Canton, un jeune homme de famille ayant rendu enceinte une fille, & redoutant l’obligation de dédommager la mère, & de nourrir l’enfant qui alloit naître, fut assez barbare & assez dénaturé pour empoisonner dans un souper celle qu’il avoit deshonorée, & pour faire périr ainsi à la fois l’objet de son amour & le fils qu’elle avoit conçu.

Ce double crime, qui effraye la nature, est demeuré impuni. Les loix étoient sans force, & les Magistrats n’osoient même pas emprisonner le coupable.

Cette anarchie funeste est l’effet des principes qui se répandent depuis quelques années. On a voulu détruire toute morale, toute législation ; tout culte, & jusqu’à la religion naturelle. On a outragé les mœurs & la raison au point de faire regarder l’homme comme un animal fait pour vivre, isolé & sauvage, qui est parfait quand il est abruti & qui est dépravé quand il est soumis aux loix.

On a dit qu’un prince, qui doit aux peuples l’exemple de la décence & des mœurs, peut épouser la fille du bourreau, s’il lui en prend fantaisie : qu’un jeune homme pour se marier ne doit consulter ni son père, ni sa mère, que les lois les plus saintes ne dépendent que du ca-