Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 25.djvu/14

Cette page n’a pas encore été corrigée
13
madame de verdelin

faits, noirci certains caractères. On y sent trop, d’ailleurs, le désir de composer une œuvre artistique. Son imagination a rempli les trous de sa mémoire. Il a embelli trop souvent son bonheur disparu. Rousseau l’a reconnu lui-même[1].

Dans ses lettres à Mme de Verdelin, qui certainement n’étaient point écrites pour la postérité, Rousseau a laissé parler son cœur. Tandis que dans la page des Confessions, rédigée à Monquin, Jean-Jacques exhalait encore son ressentiment contre Hume qui l’avait accueilli en Angleterre et n’eut pour toute récompense de cet accueil que reproches amers. Rousseau rendait responsables de ce voyage Mme de Boufflers et Mme de Verdelin qui lui avaient, en effet, conseillé ce séjour, après la lapidation de Motiers et l’expulsion de l’île de Bienne.

Laissons ces mouvements de mauvaise humeur si fréquents, hélas, chez Rousseau, et cherchons à étudier la marquise telle qu’elle fut. Le lecteur s’en rendra vite compte, la révélation d’une âme comme celle de Mme de Verdelin est le plus grand plaisir que puisse nous donner une lecture. Ses lettres à Rousseau, « sans beaucoup d’esprit, mais gracieuses, nous dit Faguet, insinuantes, confiantes et sûres, totalement amicales, où un peu de romanesque s’unit à un très solide sens du réel et donc féminines dans le meilleur sens du mot sont une de ces lectures qui rendent amoureux de l’auteur. On devrait en faire un recueil qui ferait un très agréable entretien[2]. »

Il ne faut point, en effet, chercher dans la correspondance de Mme de Verdelin le talent d’une Les-

  1. Cf. Rêveries du Promeneur solitaire, IVe Promenade.
  2. Emile Faguet. Vie de Rousseau. Paris, 1912. P. 275.