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madame de verdelin

avec ses ferventes, l’impression première qu’il a produite sur elles, et l’influence qu’elles ont eue sur les productions de l’esprit de celui qu’elles appelaient « l’homme le plus aimable et le plus aimé ».

Dans un livre précédent[1], auquel le public a bien voulu réserver un accueil encourageant, nous avons étudié la marquise de Créqui, l’amie la plus sage du philosophe. Nous nous proposons, dans cette seconde étude, d’essayer de faire revivre une autre familière de Jean-Jacques, qui, si elle n’eut point l’esprit de la précédente, eut, en revanche, ce grand mérite de demeurer fidèle à l’écrivain, surtout aux heures pénibles, toutes voilées d’ombre, qui enveloppent si tristement les dernières années de Rousseau. Alors que les d’Epinay, les d’Houdetot, les Boufflers, les Luxembourg et d’autres encore avaient cessé tout contact avec le philosophe, la douce marquise de Verdelin fut pour Jean-Jacques, au plus fort de ses tourments, sinon le repos, tout au moins la diversion heureuse, ce demi-rêve d’amour et de tendresse qu’il savait si bien définir lorsqu’il écrivait : « Qui ne sent que l’amour ne sent pas ce qu’il y a de plus doux dans la vie. Je connais un autre sentiment moins impétueux peut-être, mais plus délicieux mille fois, qui quelquefois est joint à l’amour et qui, souvent, en est séparé. Ce sentiment n’est pas non plus l’amitié seule, il est plus voluptueux, plus tendre : je n’imagine pas qu’il puisse agir pour quelqu’un du même sexe. »

A l’heure où le désespoir envahissait chaque jour davantage le pauvre grand homme, Mme de Verdelin sut toucher son cœur. Si nous ne connaissions cette

  1. La marquise de Créqui, Editions Emile Paul frères, Paris, 1928.