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Certes, rien n’est plus démontré que la force d’engendrement spirituel de celui dont on a dit si bellement : « avec Voltaire, c’est un monde qui finit, avec Rousseau c’est un monde qui commence ». Et c’est un cliché aujourd’hui courant de voir en ce pré-romantique qui s’ignore l’ancêtre de la lignée, directe ou collatérale, qui va enfanter la littérature moderne par Bernardin de Saint-Pierre, Mme de Staël, Chateaubriand, et en un sens George Sand. Cependant, sur cette dernière, il faudrait s’entendre. George Sand fut célèbre, en son temps, surtout et presque uniquement, comme romancière. Est-ce la romancière qui est « fille de Rousseau » ? Et est-ce Rousseau Romancier qui a pu inspirer à sa prétendue fille des fictions où l’esprit de la Nouvelle Héloïse n’a que de très lointains échos, et où l’Emile ne compte que des rebuffades ? Evidemment non ! Alors, si Rousseau romancier n’offre avec George Sand romancière que des rapports quasi nuls, c’est ailleurs qu’il faut chercher une filiation, une vérification de la définition fameuse, si tant est qu’elle soit exacte. Mais l’est-elle ? et en quel sens ? A moins que chez George Sand romancière ce soit autre chose que les romans de Rousseau qui l’ait intéressée et façonnée ; à moins que dans l’œuvre de Rousseau ce soit justement tout ce qui n’est pas roman pur qui soit romanesque, et que sa politique, sa morale, sa religion, ses théories enfin, n’appartiennent qu’à un monde qui n’est pas encore de ce monde, si bien que les rêves de l’un aient provoqué les rêves de l’autre, et que, malgré leurs différences essentielles (or deux rêves ne sont jamais semblables), ces rêves n’appartiennent les uns et les autres qu’à ce qu’on pourrait appeler le Royaume de Généreuse Utopie ? A moins encore que les accents douloureux des Con-