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JEAN-JACQUES ROUSSEAU TRADUCTEUR DE SÉNÈQUE

Parmi les œuvres secondaires de J. J. Rousseau, se trouve, à côté d’une version française du premier livre des Histoires de Tacite, une traduction complète en vers et en prose, de l’Apocolokyntose. Si humble que soit la place de cet opuscule dans l’ensemble de ce qu’a écrit Rousseau, il a du moins le mérite de nous permettre de le considérer sous un angle nouveau, ce qui ne saurait être inutile pour se former de son génie une image totale.

Saint-Marc Girardin (J. J. Rousseau, t. I, p. 147-154) indique dans quelles circonstances et quelles intentions Rousseau traduisit Tacite. Ce fut lors de son séjour aux Eaux-Vives en 1754 et afin de se former le style. Puis il ajoute : « Ayant abandonné Tacite, Rousseau se mit à traduire Sénèque et il fit choix du plus bizarre ouvrage de Sénèque, l’Apocolokyntose. » L’étonnement qu’éprouve Saint-Marc Girardin se comprend parfaitement. Pourtant le choix de Rousseau peut s’expliquer.

Rappelons tout d’abord, en effet, que M. P. Thomas dans une fort curieuse étude[1], a déjà montré quelle affinité existait entre Sénèque et J. J. Rousseau. Dans un parallèle savamment mené, il nous prouve que les deux moralistes isolés au milieu de sociétés singulièrement semblables par la décadence de leurs élites, se sont faits les champions d’un nouvel

  1. L. Thomas, Sénèque et J. J. Rousseau. Académie Royale de Belgique. Bulletin de la classe des lettres et des sciences morales et politiques et de la classe des Beaux Arts, 1900, p. 391-421.