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Six mois plus tard, Tronchin revenait à la charge auprès du duc de la Rochefoucauld :

Oserais-je, Monsieur, vos bontés me donnent de l’audace, implorer encore une fois la protection de Madame d’Anville pour cette bonne femme de Montmorency. Dans une maison où l’on n’entre que pour mourir, il y a souvent des places vides. Mr le Cardinal de Soubise avait eu la bonté de m’en promettre une. Il est mort ; ma bonne femme n’y perdra rien, si j’ose me flatter de votre protection[1].

Tandis que Tronchin poursuivait ses démarches, Thérèse et sa mère, qui avaient en horreur la campagne et redoutaient de passer l’hiver à l’Hermitage, appellent à leur aide les amis de Jean-Jacques pour le déterminer à rentrer à Paris.

Diderot intervient et entreprend, avec sa fougue et son emphase, de démontrer à Rousseau qu’il est criminel de garder une octogénaire loin des secours dont elle pourrait avoir besoin. Jean-Jacques s’irrite, accuse Grimm et Diderot de troubler la paix de son ménage, de détacher de lui tous ceux qu’il aime, et ne veut plus se séparer de la mère de Thérèse.

Ce brusque revirement ne découragea pas Tronchin. Préoccupé de la situation de plus en plus précaire que créaient à Rousseau le désordre, les prodigalités des « Gouverneuses », le docteur déployait toutes les ressources de sa diplomatie pour assurer du moins à son ami quelques modestes ressources, sans blesser sa fierté.

Tronchin était au nombre des « directeurs » de la Bibliothèque de Genève[2]. Dans son désir d’être utile à

  1. Mss. Tronchin. Copie de lettres, 21 février 1757, inédit.
  2. À cette époque les fonctions de Directeur de la bibliothèque, dévolues à des professeurs, équivalaient à celles de membre d’une commission de surveillance. Cette commission se composait des Seigneurs scholarques, du recteur, des directeurs, dont l’un choisi parmi les avocats, l’autre parmi les médecins, et des bibliothécaires. (V. Borgeaud, Académie de Calvin, p. 480-481).