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J’espère qu’il lira votre belle lettre avec attention, écrit-il à Rousseau en lui rendant compte de son ambassade. Si elle ne produit aucun effet c’est qu’à soixante ans on ne guérit guère des maux qui commencent à dix-huit…[1]

Voltaire, on le sait, répondit a Jean-Jacques sur le ton d’une banale courtoisie, prétextant les maladies de sa nièce pour esquiver le débat… Rousseau, qui redoutait quelque coup de griffe, prit, dans sa candeur, l’excuse et les compliments au mot.

J’ai été charmé de la réponse de M. de Voltaire, mande-t-il à Tronchin un homme qui a pu prendre ma lettre comme il a fait mérite le titre de philosophe…[2]

Et dans son optimisme, Jean-Jacques brûle de revenir bientôt et pour toujours se fixer dans sa patrie.

Votre lettre à M. de Gauffecourt, mon philosophe, lui a fait presqu’autant de bien que vos ordonnances ; il a été vivement touché de l’intérêt que vous prenez à lui et il en a été d’autant plus excité à se rapprocher de vous. Il compte partir d’ici le cinq ou le six du mois prochain pour se rendre à Lyon, où on lui a dit que vous deviez aller. Il n’ira point jusqu’à Genève. Ainsi Madame d’Épinay vous prie de ne point lui retenir l’appartement dont elle vous avait parlé. La pauvre femme est dans son lit depuis deux jours. Il semble que l’humeur qu’elle avait sur les jambes soit remontée elle a des douleurs de tête et la fièvre ne la quitte pas.

J’espère pourtant que ceci ne sera rien. Elle mérite bien de guérir, non seulement parce qu’elle mérite de vivre pour ses enfants et pour ses amis, mais par sa confiance en vous et sa docilité à suivre tous vos soins.

Que je vous parle aussi de moi. Tenez-vous, s’il vous plait, pour répétée la conversation que nous eûmes dans le parc de la Chevrette. Je ne puis me transplanter tant que la bonne vieille n’aura pas d’asile, sitôt qu’elle en aura un, je charge mon paquet et je

  1. Streckeisen-Moultou, J. J. Rousseau, ses amis et ses ennemis. Paris, 1865. t. I. p. 324. 1er novembre 1756.
  2. Mss. Tronchin. De Paris, 25 janvier 1757. V. Sayous, Le dix-huitième siècle à l’étranger, t. I, p. 258.