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le premier juin il y fut. Le bon DuPeyrou l’avait fait copier en hâte par son secrétaire Jeannin et avait lui-même soigné l’expédition du paquet. Il était adressé au baron d’Aigalliers, membre de l’Assemblée Nationale, qui devait le remettre à Marmontel, et qui eut aussi la bonté de corriger les épreuves de la brochure et de traiter avec l’éditeur[1].

C’est un joli morceau, non pas précisément d’éloquence, mais de critique et d’analyse morale, que ces soixante pages. Le style en est un peu plus orné peut-être que celui des précédents ouvrages de l’auteur ; une pointe de rhétorique lui donne par instants le ton et l’allure qui conviennent à un éloge académique. La partie la plus originale est celle où Mme  de Charrière analyse et décrit la constitution intellectuelle de Rousseau : « Il naquit avec des organes tout à la fois forts et subtils. Ses sens étaient parfaits, et au moindre éveil, les vives impressions qu’ils avaient confiées à sa mémoire se renouvelaient avec une étonnante netteté. Ne serait-ce point la perfection des sens et celle de la mémoire qui formeraient ensemble une imagination forte et brillante ? » Puis l’auteur montre comment une éducation étrangement décousue agit sur ce fond primitif. La sensibilité extrême de Rousseau, son imagination, se développent sans contrainte, et par là il déconcerte tous ceux avec qui il est appelé à vivre. Aussi devient-il un incompris. Comme homme et comme

  1. Éloge [de [Jean-Jacques Rousseau, [qui a concouru pour le prix de [l’Académie française. [À Paris, [chez Grégoire, libraire, rue du Coq [Saint-Honoré, [1790. — La brochure fut mise en vente fin janvier 1791. Il en fut tiré 600 exemplaires in-8o, et 400 in-12o, pour que le format fût assorti à celui des diverses éditions de Rousseau. L’exemplaire se vendait 12 sols. (Lettre du baron d’Aigalliers à Mme  de Charrière, 13 octobre 1790).