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ingrat. Il se fait les mêmes illusions en se rappelant le passé qu’on a coutume de se faire sur le présent. Chaque époque de sa vie, ou, pour mieux dire, chaque tableau à faire d’une époque ou d’un événement, l’occupe tout entier : il ne songe qu’à le rendre plus beau ou plus hideux, selon les cas, et dupe de sa propre éloquence, il prend de ce qu’il peint la même impression qu’il n’avait d’abord que cherché à en donner à d’autres (février ou mars 1790).

Les recherches que voulut bien faire le ministre n’eurent aucun succès. Marion resta introuvable, comme le pressentait Mme de Charrière.

Je vous remercie, écrit-elle, de votre complaisance à vous informer de Marion. C’était déjà de ma part un pur acte de complaisance, que cet exercice que je vous ai demandé de la vôtre, car j’étais bien persuadée que cela était fort inutile. À dire vrai, M. DuPeyrou est presque aussi étrange en ceci que Rousseau : c’était après la mort de celui-ci qu’il fallait vite chercher Marion ; mais les idées viennent quand elles peuvent.

Elle remplit de longues lettres à d’Oleyres de détails sur les fameux portraits ; elle écrit pour le même objet à vingt personnes ; si DuPeyrou l’en croyait, il s’adresserait à Thérèse. À Benjamin Constant elle dit :

J’avais demandé à Mme de la Pottrie le portrait de Mme de Warens : — « Je ne l’ai pas, je ne sais pas qui l’a ». On demande à Mlle de Bottens ; — « Il est entre les mains de M. Gibbon ». J’écris poliment et même flatteusement à M. Gibbon. Il me répond : « M. Gibbon est bien fâché, etc. le portrait appartient à la famille Polier, et M. Gibbon, étranger, ne peut se mêler de ces choses-là ». Voyez comme tout cela est obligeant ! On dit que M. Dennel (?) me fait l’honneur de me haïr. Je l’ai vu trois instants, il y a plusieurs années. Les Lausannois ne m’ont pas pardonné mes Lettres.

Le comte de Favria, sollicité aussi par d’Oleyres, avait complètement oublié son ancien laquais J. J. Rousseau. Mme de Charrière ne s’en étonne point :

La même chose, dit-elle, qui fait la destinée d’un homme, n’est pour un autre qu’un événement de peu d’importance. Nous ne nous