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Ces Lamaseries jouissent toutes d'un territoire plus ou moins étendu, dont les produits forment le revenu des religieux, et dont l'administration appartient au Bouddha incarné du couvent. Tant d'avantages attachés à la dignité de grand Lama, excitent vivement les ambitions, et provoquent quelquefois les luttes les plus acharnées. Tel était le spectacle qu'offrait, à notre passage, la Lamaserie de Tchiang-ya. Son Bouddha était parvenu à cette place suivant toutes les formes voulues par les croyants du pays ; mais un compétiteur plus habile que lui ayant levé l'étendard de la révolte, il s'ensuivit une guerre terrible. Ce schisme, bien qu'il eut déjà, pendant six années, provoqué une infinité de combats, dévasté et ensanglanté bien des habitations et même des Lamaseries, n'avait cependant encore rien produit de décisif. Le Bouddha légitime disposait des milices de l'Etat ; mais l'anti-Bouddha, rachetant par la supériorité de ses talents le vice de son origine, avait entraîné presque tout le peuple à sa suite, et luttait avec avantage contre son rival. Des campagnes en friche, couvertes ça et là de monceaux d'ossements ; des villages incendiés et démolis, n'attestaient que trop l'implacable fureur dont les deux partis étaient animés.

On voit aussi dans cette partie du Thibet un grand nombre de Lamas contemplatifs, à la façon des fakirs de l'Inde. Nous passâmes au pied d'une caverne où l'un d'eux menait depuis vingt et un ans la vie érémitique : sa règle était, dit-on, de ne faire qu'un repas par semaine, et de ne paraître en public qu'une fois tous les trois ans. Il a près de lui un disciple pour transmettre ses réponses aux personnes qui viennent le consulter. La réputation dont il jouit est colossale. Ces ermites sont nombreux, et en général