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animaux qui se couchent à chaque pas et refusent d'avancer. La moitié de la troupe, par mesure de prudence, s'arrêta en chemin dans un enfoncement de la montagne. L'autre moitié, par prudence aussi, se tua en efforts pour ne pas mourir asphyxiée au milieu de cet air chargé d'acide carbonique. Nous fûmes de ceux qui franchirent le Borhan-bota d'un seul coup. Quand nous fûmes au sommet nos poumons se dilatèrent enfin à leur aise. Descendre la montagne ne fut qu'un jeu, et nous pûmes aller dresser notre tente loin de cet air meurtrier.

« Le passage du Borhan-bota n'avait été qu'un apprentissage. Le mont Chuga allait bien autrement meure à l'épreuve nos forces et notre courage. Comme la journée devait être longue et pénible, le coup de canon qui d'ordinaire annonçait le départ se fit entendre à une heure après minuit. Quand la grande caravane commença à s'ébranler, la nuit était pure et la lune resplendissante. Nous n'étions pas encore arrivés au sommet et le jour était sur le point de paraître, lorsque le ciel se rembrunit et le vent se mit à souffler avec une violence qui allait toujours croissant. Les versants opposés étaient encombrés de neige ; les animaux en avaient jusqu'au ventre, et souvent ils allaient se précipiter dans des gouffres dont il leur était difficile de sortir ; il en périt plusieurs. Nous marchions à l'encontre d'un vent si glacial et si fort, que la respiration se trouvait parfois arrêtée. Malgré nos épaisses fourrures, nous tremblions à chaque instant d'être tués par le froid. A l'exemple de plusieurs voyageurs, je montai à rebours sur mon cheval et je le laissai aller au gré de son instinct. Lorsqu'on fut arrivé au pied de la montagne et qu'il fut enfin permis de se reconnaître, on remarqua plus d'une figure gelée. M. Gabet eut à déplorer la mort passagère de son nez et de ses oreilles.