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fine étude psychologique. Catherine, dont l’esprit est droit et sain sur tout autre point, juge à faux chaque fois qu’elle se laisse guider par les exemples empruntés à des romans. Elle veut retrouver autour d’elle les criminels héros dont les aventures emplissent les pages de « L’Italien » ou des « Mystères de la Foret ». C’est en vain qu’elle reçoit à Northanger l’hospitalité la plus flatteuse et la plus courtoise ; son hôte l’accable en vain d’attentions et d’égards ; trop de romans lui ont appris de quelle perfidie, de quelle noirceur le cœur humain est capable. En dépit de toutes les apparences, elle se persuadera que le général Tilney a été le bourreau, le meurtrier de l’épouse dont il semble garder si pieusement le souvenir. Le général a fait élever un monument à la mémoire de sa femme. Catherine verra-t-elle là la preuve d’une réelle affection et d’un regret sincère ? Non, car elle a lu qu’il n’était pas rare de voir un tel cynisme ou une telle puissance de dissimulation. « Elle se rappelait l’histoire de tant de gens qui s’étaient endurcis dans le crime… qui avaient semé la mort au gré de leur caprice, sans aucun sentiment de remords ou d’humanité, jusqu’à ce qu’une mort violente ou les austérités de la pénitence eussent mis un terme à leur sinistre carrière. Le monument funéraire ne pouvait l’empêcher de penser que Mme Tilney n’était peut-être pas morte. Si même elle descendait dans le caveau de famille, que lui prouverait la présence d’une bière ? N’avait-elle pas lu bien souvent que rien n’était plus facile que de mettre une figure de cire à la place d’un cadavre et de faire à ce simulacre de trompeuses funérailles ». [1]

Lorsque Catherine est forcée de convenir de l’injustice et de l’invraisemblance de telles suppositions, elle fait un retour sur elle-même. « Elle se rappela dans quelles dispositions elle était arrivée à Northanger, et elle comprit que sa sottise et son erreur provenaient de l’influence pernicieuse de ses lectures favorites ». La partie satirique

  1. L’abbaye de Northanger. Chap. XXIV.