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xviie siècle. Que cette parenté soit toute fortuite, ce que nous savons de Jane Austen nous inclinerait à le croire — ou qu’elle soit due à l’action d’une affinité secrète, la petite comtesse de Feuillide apporta peut-être des livres français à Steventon, elle nous permet d’expliquer ce que les critiques anglais ont souvent signalé : l’originalité, le caractère unique qui font de l’art de Jane Austen un phénomène isolé dans la littérature anglaise.

Transposés de la vie de Cour à la prose de la vie bourgeoise et familiale, ces romans ont, par leur ordonnance, par la simplicité de leur action et la pureté de leur style, une élégance qui rappelle le charme discret du roman de Madame de la Fayette et la grâce exquise de ce « rien de trop » que rechercha plus tard le goût délicat de Mademoiselle de Lespinasse. Au milieu des solides et vastes constructions édifiées par les grands maîtres du roman anglais au xviiie siècle, parfois décorées avec une fantaisie ou une richesse déconcertantes, le roman de Jane Austen élève un petit temple aux colonnes blanches, au fronton pur. Pour être rare en Angleterre, la sobre élégance de lignes qui en fait toute la beauté n’a cependant rien d’exotique. L’autel qu’il abrite ne saurait jamais manquer de fidèles. Car cet autel est consacré à un dieu de la terre et de la race anglaises, à l’humour qui sourit d’une lèvre moqueuse cependant que ses yeux attachent sur les choses un regard pénétrant.