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le trait distinctif qui fait la personnalité. Désormais, nous retrouverons le jugement suggéré par l’artiste ou par le psychologue chaque fois que nous verrons reparaître le personnage qui nous a été ainsi révélé. Malgré sa valeur et son charme, ce procédé ne peut pas fournir ici d’exemples exceptionnellement brillants. Les phrases qu’on détache valent exactement ce que valent des centaines d’autres. Séparées de leur contexte, de tout ce qui, dans le récit, les rend suggestives et frappantes, elles font l’effet de pierres détachées d’un collier, tout à l’heure scintillant de toutes leurs facettes, empruntant et se prêtant les unes aux autres un nouvel éclat, et maintenant redevenues de petits cailloux dont on remarque à peine la transparence. De page en page, les observations psychologiques sont notées, mais elles sont trop intimement liées à la trame du récit, elles font trop véritablement partie intégrante de l’œuvre d’art, pour qu’il soit possible de les isoler. À tâcher de séparer par l’analyse ce qui, dans le roman de Jane Austen, appartient au domaine de la psychologie, on apprend cependant une chose, celle-là même qu’il importe de connaître avant d’étudier la conception artistique et l’interprétation de la vie renfermées dans ce roman : l’étude psychologique n’est pas seulement un des éléments dont l’œuvre de Jane Austen est faite, elle en est la substance même, à laquelle l’art et l’humour ont prêté leurs formes.


S’il se borne à étudier les êtres et les choses dans leur réalité concrète et sous leurs aspects individuels, un auteur nous révèle, au moins implicitement, son opinion sur la vie et sur les hommes. L’absence dans son œuvre de toute généralisation, de toute remarque d’une portée philosophique, est en soi l’aveu d’une certaine attitude d’esprit, et le silence même revêt alors une valeur qui n’est pas purement négative. Ne jamais s’élever contre la vie, toujours la représenter au contraire comme bonne.