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elle-même, fut aussi, sous une forme un peu différente et encore moins flatteuse, celui de Mme de Staël. Sir J. Mackintosh recommanda un jour à Mme de Staël de lire un roman de Miss Austen. Mais « peut-être parce qu’il est impossible à un étranger d’apprécier l’œuvre de Miss Austen à sa juste valeur », l’auteur de « Corinne » et de « Delphine » après avoir lu le roman sans y trouver rien d’intéressant ni d’agréable, déclara qu’elle le jugeait « vulgaire ». [1]

Un roman sans passion comme sans aventures et dont les héroïnes ne sont ni des intellectuelles ni des amoureuses, devait, en effet, sembler à Mme de Staël une reproduction sans intérêt de cette réalité plate et vulgaire que sa propre imagination aimait à hausser constamment au ton de l’enthousiasme et du drame. Aujourd’hui, les Laura, les Margiana sont oubliées, la noble Corinne elle-même est délaissée et ce qui faisait qualifier Elizabeth de « vulgaire » en 1814, nous la fait maintenant trouver vraie. Comme au jour où Jane Austen peignit leur gracieuse image, les héroïnes d’« Orgueil et Parti pris », du « Château de Mansfield », de « Persuasion », sont restées jeunes. Elles n’ont pas même été atteintes par les caprices de la mode. Il faut parfois l’aide d’un illustrateur comme Hugli Thomson [2] pour rappeler au lecteur que leur jeunesse date du temps où le Prince Régent gouvernait l’Angleterre et où les femmes se paraient de châles de linon et de coiffures à la mameluk.

De même qu’il ne contient pas de portrait d’héroïne, le roman de Jane Austen ne fournit jamais la description d’une toilette. Mais l’absence de détails trop minutieux sur leur parure, si elle permet qu’on oublie l’âge de ces héroïnes, ne suffirait pas à expliquer pourquoi elles n’ont

  1. Life of Sir J. Mackintosh, cité par J. E. Austen Leigh. « Memoir ». Page 137.
  2. Jane Austen’s novels, with illustrations, by Hugh Thomson and introductions by Austin Dobson. (Macmillan. London. 1895-97). Seul, « Orgueil et Parti pris » n’est pas illustré par Hugh Thomson. Les illustrations de ce volume sont de Ch. E. Brock.