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petit nombre, tandis que la majorité des lecteurs de romans leur préférait d’obscures Rosanne ou Matilda. Alors qu’une poupée sentimentale et romanesque comme l’héroïne de « Self-Control » de Mary Brunton, comme « Clarentine » [1] ou « Ida d’Athènes », [2] étaient admirées pour l’« élégance » de leurs manières et la « délicatesse » de leurs sentiments, les héroïnes de Jane Austen pouvaient, en effet, sembler trop simples. Leur naturel, leur aisance, leur gaieté, leur franchise choquaient, comme autant de défauts, les lecteurs habitués à des grâces fades et artificielles.

Une lettre écrite par Miss Mitford, en 1814, exprime une opinion partagée à l’époque par beaucoup de ceux et de celles qui avaient lu « Bon sens et Sentimentalité » ou « Orgueil et Parti pris ». « La distinction est presque la seule chose qui manque à Miss Austen. Je n’ai pas lu « Le Château de Mansfield », mais il est difficile de ne pas sentir à chaque ligne d’« Orgueil et Parti pris », dans chaque parole d’Elizabeth, le manque de goût qui lui fait peindre une héroïne si effrontée, si terre à terre, comme aimée par un homme semblable à Darcy…. Je suis d’accord avec vous quand vous préférez Miss Austen à Miss Edgeworth. Si la première avait un peu plus de goût, un peu de sentiment du beau et de l’aimable en même temps que du ridicule, je ne connais personne à qui je ne la préférerais. Dans l’œuvre de Miss Austen il n’y a rien qui se rapproche du froid égoïsme de Miss Edgeworth, elle est plus satisfaite de la vie et ne vous sermonne pas. Il ne lui manque pour être un écrivain hors de pair que d’avoir dépeint le beau idéal de la nature féminine. » [3] Le jugement porté par une petite maîtresse comme Miss Mitford se nommait

  1. « Clarentine », by Miss Sarah Burney.
  2. « Women, or Ida of Athens », by Miss Owenson (1809).
  3. 20 décembre 1814. Life and Letters of Mary Russel Mitford (London. 1870). « She wants nothing but the beau ideal of the female character to be a perfect novel writer, and perhaps even the beau ideal would only be missed by such a petite-maîtresse in books as myself. »