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par leur valeur ou par les épreuves qu’ils ont connues ». Mais toutes deux sont plus cultivées qu’on ne l’est généralement dans leur milieu et, d’ailleurs, Marianne cherche dans les vers « émouvants » de Cowper un aliment à sa sentimentalité exagérée tandis que la douce Anne Elliot lit poètes et moralistes pour trouver dans leurs ouvrages l’oubli et le réconfort. L’éducation a laissé au caractère de ces jeunes filles toute son individualité. Sur un point seulement, elles ont été pliées à une sévère discipline : on leur a enseigné minutieusement les règles de l’étiquette mondaine. Les deux sœurs Bertram oublient bien vite — et qui les en blâmerait — ces précieuses bribes de savoir que sont les noms des planètes et des plus célèbres philosophes, mais elles ne se lassent pas de répéter leurs duos, leurs morceaux brillants à quatre mains, et, quand elles sont en âge de paraître dans un salon, savent y faire figure de femmes du monde accomplies.

Aux premières années du xixe siècle, l’aphorisme de Swift sur l’éducation des femmes est encore vrai; « on apprend aux filles à tisser des filets, non pas à faire des cages ». Elles connaissent les arts du monde, brodent des paysages en soies de couleurs, dessinent ou peignent de petites aquarelles, et, munies de si précieuses ressources contre l’isolement possible et l’inévitable vieillesse, font à dix-sept ans leurs débuts dans le monde. Une telle méthode — dont Jane Austen signale, sans la commenter, l’insuffisance — n’a de fâcheux résultats que pour les sottes et les orgueilleuses. Chez les Bennet, où toutes les filles ont été élevées ensemble, Mary, qui a lu de gros livres auxquels elle n’a rien compris, a des prétentions ridicules au bel esprit ; Lydia, paresseuse et frivole, a profité de la liberté qu’on lui laissait pour ne rien apprendre, et, dès qu’elle a été en âge d’aller au bal, pour ne plus penser qu’aux officiers en garnison à Meryton. Jane et Elizabeth, au contraire, ont été préservées par leur bon sens et leur bon goût naturels de l’affectation de Mary comme de la vulgarité de Lydia. Au château de Mansfield, les