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que les plus brèves indications. Par une sorte de raccourci dramatique qui donne à ses romans l’allure même de la réalité, les heures du passé, les influences de l’éducation, l’action du milieu sur le caractère et la personnalité apparaissent non point comme des choses mortes ou lointaines, mais connue des forces vives qui l’ont d’Elizabeth Bennet, de Fanny ou d’Emma, ce qu’elles sont au moment même où nous les voyons agir devant nos yeux. Par delà les fantaisies passagères de la sentimentalité à la mode, ces jeunes filles sont parfaitement naturelles, gaies ou songeuses suivant le plus ou moins de joie qui est en elles et en leur vie. Mais la gaieté, la sérénité, l’espérance et la bonne humeur sont presque invariablement les notes dominantes de leur caractère. Un rayon de soleil passe dans leurs yeux et dans leur sourire ; elles sont heureuses non pas seulement parce que la vie leur est douce mais parce qu’elles sont parfaitement adaptées à leur milieu et qu’elles acceptent sans vains désirs, sans aspirations inutiles, l’existence aimable et monotone qui leur est départie. Leur bel équilibre physique et moral ignore l’inquiétude et l’impatience. Elles savent se divertir de peu, remplir leurs journées de moins encore, d’une promenade, d’une causerie, d’une lecture. Chez Elizabeth Bennet et chez Emma Woodhouse, les deux héroïnes les plus gaies, les plus brillantes aussi, dont la joie de vivre se tempère et s’affine par le plaisir d’étudier et de chercher à comprendre la vie, on retrouve les qualités qui caractérisent leur race à ses plus heureux moments. Telles Rosalinde de « Comme il vous plaira » ou Portia du « Marchand de Venise », elles ne sont rien que des jeunes filles « untutored, unlessoned », et cependant leur intuition réalise ce prodige de choisir et de vouloir les choses où elles doivent trouver leur bien. Comme pour Béatrice de « Beaucoup de bruit pour rien », une étoile dansait au moment de leur naissance. Elles sont des créatures faites pour le bonheur et qui d’instinct savent le créer. Elizabeth, sans autres distractions que celles de la