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passion, fleurs de plein air poussées dans un beau jardin, à l’abri du grand souffle de la tempête, — s’apparentent-elles étroitement aux nobles créatures, princesses lointaines ou reines de féerie, que créa le génie de Shakespeare. Dans l’enclos familial ou dans la demeure paternelle, ces jeunes filles qui ne savent presque rien du monde mais qui sont bonnes, droites et sensées, nous apparaissent comme les petites sœurs un peu bourgeoises, un peu guindées, mais cependant fines et charmantes de ces Rosalinde, Silvia ou Béatrice, dont l’altière beauté, la grâce tendre, spirituelle et fière s’épanouissent dans le décor enchanté d’un jardin d’Italie ou de la forêt des Ardennes.


En écrivant ses premiers livres, Jane Austen choisit spontanément un procédé que, plus tard, et lorsqu’elle eut atteint la pleine maturité de son talent, elle recommanda à une de ses nièces : passer rapidement sur l’enfance et la première jeunesse d’une héroïne, car « tant qu’elle n’est pas devenue jeune fille, le charme et l’intérêt d’un livre demeurent imparfaits ». [1] Elle n’emprunta rien aux auteurs aujourd’hui oubliés de tant de romans éphémères dont la lecture charma souvent ses loisirs à Steventon. Mais elle apprit du moins, grâce à leurs fastidieuses et lentes descriptions de l’éducation et du caractère de leurs héros, à éviter de semblables erreurs. Lorsque la clarté du récit le demande ou s’il est nécessaire de préciser, dès le début d’un roman, les traits importants d’une physionomie, Jane Austen donne une esquisse rapide de l’enfance d’une héroïne. Ainsi, dans « L’abbaye de Northanger », l’éducation de Catherine Morland forme le sujet du premier chapitre et, dans le « Château de Mansfield », nous voyons comment Fanny Priée, brusquement transplantée de Portsmouth à la campagne, arrive peu à peu à s’acclimater dans un milieu nouveau. Sur la vie de ses autres héroïnes jusqu’au moment où elles nous sont présentées, nous n’avons

  1. Lettres. 9 septembre 1814.