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tique et toute amertume sont absents. Qu’il s’agisse d’une balle de pommes envoyée par Mr. Knightley, d’une lettre de sa nièce ou d’une toilette de Mme Elton, Miss Bates est prête à admirer, à remercier, à expliquer aussi longtemps qu’on voudra bien la laisser parler. Walter Scott, qui écrivit en 1815 pour la « Quarterly Review » le premier article de critique sur l’œuvre de Jane Austen, dit que de tels personnages « nous paraissent amusants au premier abord ; mais, ajoute-t-il, si nous les voyons reparaître trop souvent ou pendant trop de temps, leurs longs discours deviennent aussi fastidieux dans le roman que dans la vie réelle ». Il oublie que la présentation désintéressée du réel peu fort bien nous rendre acceptable et même agréable ce qui dans la vie, au milieu du conflit d’intérêts, de motifs, de sensations dont celle-ci est faite, nous serait désagréable et presque odieux. Ce reproche, cependant, mérite d’être signalé car il exerça une certaine influence sur la dernière œuvre de Jane Austen. La verve humoristique à laquelle elle avait donné libre cours dans « Emma », est dans « Persuasion » constamment contenue. Au lieu de peindre ses personnages comiques avec la pleine et délicieuse fantaisie qu’elle avait mise à créer Miss Bates, Jane Austen ne nous permet de les voir qu’en quelques trop rares occasions.

Les félicitations si inattendues du Prince Régent, le succès grandissant de ses romans ne furent pas sans contribuer au contentement qui se trahit dans une lettre écrite de Hans Place et datée du 2 décembre 1815. Jamais, même aux heures les plus heureuses de sa jeunesse, elle n’avait exprimé sa joie de vivre avec une telle exubérance : « Je suis bien fâchée de savoir que ma mère a été souffrante, j’ai bien peur que ce temps délicieux ne soit vraiment trop beau pour lui plaire. Quant à moi, j’en jouis tout entière, de la tête aux pieds, de droite à gauche, en long, en large et en diagonale ». Cette entière satisfaction ne dura pas longtemps. Au commencement de 1816, la banque d’Henry Austen fit faillite et Jane fut très attristée par cet événement