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avec des indifférents des paroles banales. Elle a d’ailleurs mieux à faire. Elle écoute et observe. Son observation n’est pas celle d’un critique amer ni d’un censeur chagrin ; c’est l’attention éveillée d’un spectateur devant une comédie dont toutes les scènes l’amusent infiniment. Sans être jamais la dupe des apparences, elle ne s’indigne pas devant la vanité et la sottise, elle les accepte parce qu’elle les sait inévitables. Loin de chercher à tirer des ridicules qu’elle remarque quelque belle généralisation sur la faiblesse ou la méchanceté des hommes, elle jouit simplement du divertissement que lui offrent les vaniteux et les sots. Moraliser sur les divers aspects de la vie demande un esprit plus profond que le sien; son intelligence vive et pénétrante est à la mesure des choses journalières et s’exerce seulement dans le concret. Le regard qu’elle jette sur la vie et sur les choses est celui d’un témoin averti, amusé et tolérant, sans fausse et fade indulgence, qui trouve un plaisir toujours renouvelé dans l’observation et justifie ce plaisir à ses propres yeux en disant : « Pourquoi donc sommes-nous au monde si ce n’est pour servir au divertissement de nos semblables et, à notre tour, les amuser à nos dépens ? »

En mai 1813, Jane Austen fait de nouveau un bref séjour à Londres, au moment d’une exposition générale de l’œuvre de Sir Joshua Reynolds. Elle cherche à trouver parmi les toiles de Reynolds un portrait de son héroïne de prédilection, Elizabeth Bennet. Mais ce soin ne lui fait pas oublier les visites à la modiste et à la couturière. Comme aux jours de Steventon, chaque lettre parle de chiffons et d’ajustements nouveaux. Certain chapeau est décrit minutieusement : « Il sera en satin blanc au lieu de satin bleu, tout en satin blanc et en dentelle, avec une petite fleur blanche piquée sur l’oreille gauche comme la plume d’Harriet Byron. J’ai permis à la modiste d’aller jusqu’à une livre seize shillings ». À n’en pas douter, la littérature aussi bien que la coquetterie