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mer elle-même que d’accueillir l’amour sans un sourire un peu railleur, alors que, sans dédaigner de fleureter au bal, elle considère l’amour et le mariage un peu comme le fait Béatrice dans « Beaucoup de bruit pour rien » ? N’apparaît-elle pas à ce moment, telle la belle ennemie de Bénédict, « incapable de supporter qu’on lui parle d’un mari » et prête « à faire abandonner la partie à tous ses amoureux à force de railleries » ? En 1798, elle écrit à propos d’un jeune ménage : « Earle et sa femme vivent à Portsmouth sans voir personne et n’ont pas la moindre servante. Quel prodigieux amour inné de la vertu doit posséder une femme pour se marier dans de telles conditions ! » Mais si elle s’étonne de la folie qui fait consentir une jeune fille à un mariage dont l’amour est le seul motif, elle s’indigne aussi dans « Orgueil et Parti pris » qu’on puisse faire du mariage un marché par lequel une femme acquiert une situation sociale avantageuse. L’intérêt non plus que l’amour ne trouvent grâce à ses yeux et ses lettres ne laissent rien percer du « prodigieux amour de la vertu » qui pourrait, à défaut d’autres raisons, l’incliner au mariage.

Cependant, à mesure que s’enfuit la prime jeunesse, Jane Austen acquiert et commence à montrer un peu de cette bonté, de cette tendresse qu’on cherche en vain dans les premières pages de sa correspondance. Après le printemps un peu âpre des années de Steventon, on voit peu à peu éclore la sympathie, la douceur féminines qui vont désormais donner à sa vie une plénitude, une perfection qu’elle ne possédait pas encore. La jeune tante de 1805, qui joue avec ses neveux, s’intéresse à leurs ébats, s’ingénie à les consoler de leurs chagrins d’enfants, est plus proche de l’amour, mieux faite pour attirer une affection vraie et l’éprouver elle-même, que la jolie Miss Austen de 1799 aux yeux de laquelle les chiffons et les succès au bal sont les grandes réalités de la vie.

On peut placer entre 1801 et 1805 l’épisode raconté par Cassandre Austen à sa nièce Caroline, puisque ni