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lut « Cœlebs » se loua d’avoir dit, avant de le connaître, que ce livre lui déplaisait. « Cœlebs » qui atteignit en dix mois sa onzième édition, est en effet le roman le plus mortellement ennuyeux qui ait jamais trouvé des lecteurs. Le caractère des différents personnages nous est généralement révélé dans de longues et verbeuses descriptions, quelquefois encore — artifice d’une touchante naïveté — c’est une conversation entre des amis de ces personnages qui nous met au courant de leur histoire. À certaines pages « Cœlebs » ressemble bien plus à un prêche qu’à l’œuvre d’un romancier, et la félicité conjugale que l’auteur promet à l’épouse de son pieux et sentencieux héros n’est point faite pour éveiller dans le cœur des lectrices des sentiments de regret ou d’envie.

La note de tendresse et d’affectueux intérêt à l’égard de ses neveux qu’on remarque en 1807 dans la correspondance de Jane Austen, devient plus sensible au cours de l’année suivante. En juin 1808, tandis que sa sœur reste à Castle Square, elle fait une visite à Godmersham et, pour la première fois, à côté des noms d’Edward et d’Elizabeth — les châtelains de Godmersham — les noms de tous leurs enfants reviennent fréquemment sous sa plume. La vie mondaine dont elle jouit chez son frère cesse d’avoir à ses yeux une importance et un charme suprêmes. Les chiffons mêmes sont relégués au second plan ; c’est à peine si l’on en trouve quelque mention dans des pages où apparaissent une petite Cassandre qui « a des yeux admirables et promet d’être vraiment charmante », et un petit Edward, admis à l’occasion de la visite de sa tante à dîner avec les grandes personnes et si heureux « que son bonheur le fait presque trop babiller ». Elle s’intéresse surtout à l’aînée de ses nièces, une délicieuse petite Fanny dont la personne et les manières « sont tout ce qu’on peut souhaiter d’aimable ».[1] Cette fillette va bientôt devenir pour elle « presque une sœur », et elle avouera n’avoir jamais cru « qu’une nièce pût lui devenir si chère ».

  1. Lettres. 15 juin 1808