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raconter au duc de Mendoce l’Histoire de son mariage avec la belle Diana. Le comte dévoile à son ami le « triste mystère » de cette union. Diana au lieu d’être « une épouse reconnaissante et sensible » oppose au mari « qui s’était promis de faire son bonheur, une résistance invincible ». Moncalde tente en vain de « faire valoir les droits sacrés de l’époux » ; il apprend que sa femme aime don Phèdre, et prétextant un voyage, obtient en revenant à l’improviste « des preuves décisives de l’égarement » de Diana. Avec une complaisance vraiment inexplicable de sa part, l’époux dédaigné s’attarde à décrire « ces preuves décisives », et laisse les lecteurs aussi pleinement assurés que lui-même de l’indignité du « couple criminel ». Si abondants soient-ils, ces détails ne suffisent pas. Il faut après le récit de Moncalde, entendre une conversation entre une duègne et un écuyer, conversation où les circonstances de la fâcheuse aventure sont relatées d’une façon plus explicite encore.

Les Austen n’allèrent pas jusque-là, jugeant leur édification poussée assez loin. On peut seulement regretter que Jane Austen, ne connaissant que les premières pages du roman, l’ait critiqué d’une façon un peu trop hâtive. À mesure que les scènes devenaient plus libres, elle aurait pu voir l’auteur affirmer plus hautement son intention de rendre par là un plus éclatant hommage à la vertu. Peut-être se serait-elle enfin laissée convaincre. Elle aurait alors reconnu, grâce à Mme de Genlis, qu’un roman ne manque jamais à ses « intentions morales » quand l’auteur pare son héroïne d’une candeur parfaite et se fait un scrupule « de lui donner un véritable amour, car un cœur violemment agité et brûlant de désirs n’est plus le cœur d’une vierge ».

De l’atmosphère équivoque d’ « Alphonsine » à l’innocente et parfois délicieuse ironie du « Don Quichotte féminin », la différence est grande et dut paraître telle au petit auditoire groupé autour de la lampe, dans le salon de Castle Square. Jane Austen trouva une double satisfac-